Atelier Jim Dine

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9000 St. Gallen,
Suisse

Publié le 28 mars 2024
Flury + Furrer Architekten GmbH
Participation au Swiss Arc Award 2024

L’atelier a été construit par un groupe de construction comprenant entre autres deux architectes, une scénographe, un électricien et une menuisière. Une piscine historique se trouve à côté de l’atelier. Comblée  de gravats pendant des années, elle a été remise en état par Flury + Furrer, et le vestiaire attenant a été restauré. En été, c’est là que s’ébattent les personnes travaillant sur le site. Si Jim Dine est considéré comme un maître du Pop Art. Sa palette de supports et  de techniques est large,  allant de la peinture à la photographie en passant par le dessin, les arts graphiques et la sculpture. En 1994, s’est installée la Kunstgiesserei St. Gallen  sur le site d’une ancienne fabrique de textile dans  le Sittertal. Le site a été continuellement transformé et abrite aujourd’hui une dizaine d’entreprises, dont  la fondation Sitterwerk.

Données du projet

Données de base

Situation de l'objet
Sittertalstrasse 30, 9000 St. Gallen, Suisse
Catégorie de projet
Type de bâtiment
Achèvement
01.2023

Données du bâtiment selon SIA 416

Surface de plancher
190 m²

Description

À la périphérie ouest de Saint-Gall, plusieurs sites industriels sont blottis dans les méandres de la Sitter – autant de péninsules à caractère industriel qui forment des petits mondes en soi. L’un d’entre-eux, le Sittertal-Areal, est desservi par une route étroite qui descend dans la vallée en slalomant entre les imposants piliers en béton du Fürstenlandbrücke. Le site densément construit d’une ancienne usine textile se dévoile à mesure que l’on s’en approche. Hans Jörg Schmid, l’actuel propriétaire, y a créé en 2006 la fondation Sitterwerk avec Felix Lehner et Daniel Rohner. Le Sittertal-Areal a depuis gagné en renommée grâce à la galerie exposant les œuvres de Hans Josephsohn, et à la fonderie d’art Kunstgiesserei St. Gallen, où sont produites les œuvres d’artistes de renommée internationale. Son architecture laissait indifférent, cela s’explique sans doute par le fait que si elle a été continuellement transformée depuis les années 1990, son aspect extérieur n’a guère changé, mais ce n’est désormais plus le cas.

Tout part d'un pont roulant
L’image de l’ancien site industriel n’a presque pas changé depuis que les architectes zurichois Flury + Furrer y ont réalisé une transformation, découvrant par cette occasion le Sittertal il y a de cela 25 ans. Les nombreuses interventions effectuées depuis sont subtiles, et seul un œil averti s’en aperçoit. La dernière, qui remonte à un an, est une maison aux reflets argentés et bien visible qui se dresse au sud du canal délimitant le périmètre du site. Ses quatre fenêtres carrées lui donnent l’air de regarder l’imposant pont depuis le fond de vallée. Avec sa base revêtue de bois et sa fragile robe de tôle ondulée, le bâtiment long d’une vingtaine de mètres rappelle un hangar ou une structure industrielle. Derrière les deux portes vitrées de la façade sud et la grande porte à l’est, on aperçoit des têtes surdimensionnées en plâtre dévoilant des visages aux traits sérieux – une œuvre de l’artiste nord-américain Jim Dine. Après plusieurs transformations et agrandissements, son atelier est le premier bâtiment neuf construit par Christoph Flury et Lukas Furrer sur l’ancien site industriel.
Dire de ce projet qu’il est «neuf» est à la fois juste et imprécis. Son histoire a débuté avec un pont roulant venu des Pays-Bas, découvert par Felix Lehner alors qu’il chinait sur un site de revente de matériaux de construction. Les cinq axes en acier du pont roulant définissent le volume du bâtiment et structurent ses façades longitudinales en quatre. Afin de rigidifier la construction et d’apporter la lumière du nord dans la halle, les architectes ont développé une structure en treillis qui complète les cadres en acier et définit un pignon asymétrique. En plus de l’apport de lumière généré par le décalage des deux pans de la toiture, une autre fenêtre en bandeau court à hauteur d’yeux le long de la façade nord. Jim Dine ne souhaitait toutefois pas que l’on puisse voir directement dans son atelier, que jouxte une piscine très fréquentée en été. Pour ce faire, des plaques ondulées en résine de polyester renforcée de fibres de verre assurent la protection visuelle souhaitée tout en laissant pénétrer la lumière à l’intérieur. Elles sont tenues par des cadres d’aluminium sobres, peuvent être facilement détachées à la main de leur support et retirées si nécessaire.

Trouver, stocker, réutiliser
Les surfaces opaques des façades sont recouvertes de tôles Fural en aluminium laminé naturel. Leur profil vertical caractéristique dialogue visuellement avec les couvre-joints rouges du petit vestiaire de la piscine voisine datant de 1907. Livrées en rouleaux, les bandes de tôle larges de cinquante centimètres pourront être un jour ré-enroulées afin d’être employées ailleurs. La possibilité future de réemployer les différents éléments de construction a été un thème central lors de la construction de la maison-atelier, tout comme celui de l’utilisation de matériaux usagés. Lukas Furrer n’est en effet pas seulement architecte et artisan, il est aussi collectionneur: très tôt, il a commencé à mettre de côté des matériaux de construction encore en bon état lorsqu’une démolition avait lieu. Et cela dépasse les frontières du Sittertal, puisqu’il est toujours à l’affût de matériaux intéressants sur le point d’être jetés ou démontés. Il a notamment découvert les quatre fenêtres aux coins arrondis, qui marquent la façade sud de l’atelier, dans le quartier de Seefeld à Zurich où elles attendaient d’être éliminées. Emmenées et entreposées à Saint-Gall, l’occasion de les réutiliser s’est présentée sept ans plus tard, avec la construction de l’atelier. Les vantaux pivotants en bois et aluminium des années 1960 animent sa façade et sont protégés des intempéries par de mini-auvents qui accentuent les quatre ouvertures.

Une unité esthétique malgré un patchwork de matériaux
Et la liste des matériaux réemployés ne s’arrête pas là: les poteaux en bois visibles à l’extérieur sont des poutres en lamellé-collé provenant des pavillons Huber-Villiger montés un temps à l’ETH Zurich puis démontés. Ils sont vissés aux supports en acier du pont roulant et en empêchent la déformation. À l’intérieur, l’escalier en acier qui mène à une mezzanine qu’utilise Jim Dine comme un espace de stockage, provient aussi de l’un des pavillons. Lorsque l’artiste travaille dans le Sittertal, il vit aussi ici, ce qui explique la présence sous la galerie d’une petite chambre, d’une cuisine et d’une salle de bain. Cuvette de douche, lavabo, armoire à glace et WC trouvent ici presque tous une deuxième vie. La cuisine provient d’un logement conçu par Ernst Gisel, la fenêtre d’un bâtiment promis à destruction sur la Langstrasse à Zurich… et Lukas Furrer de plaisanter: «Je ne sors jamais dehors sans avoir un mètre en poche». Il a donc tout de suite su que la fenêtre trouvée dans la rue conviendrait à la cuisine de Jim Dine.
Le pragmatisme est de rigueur lorsque l’on travaille avec des matériaux trouvés. Mais l’architecte précise que «l’objectif était de ne pas laisser visible le patchwork des différents matériaux sur le bâtiment.» Et bien que la proportion des éléments de construction réemployés atteigne quarante pour cent, le bâtiment ressemble à une construction neuve. Le soin apporté à des détails tels que la position des chenaux et de la gargouille en porte-à-faux témoigne d’une conception méticuleuse. Katalin Deér, une artiste vivant et travaillant sur le même site, a son interprétation de la chose: «Ce que d’autres considèrent comme des matériaux de construction bons à jeter est ici recomposé pour produire de l’architecture.» Le hasard fait parfois bien les choses: la grande porte industrielle qui provient d’une ancienne halle de l’Olma, les halles d’exposition de Saint-Gall, passait exactement
dans l’ouverture en front du pont roulant pour laquelle une rampe fait encore à l’heure actuelle défaut.

En avance sur son temps
L’atelier de Jim Dine, à ce détail prêt, est fini. Mais Lukas Furrer précise qu’il continue de tirer de nouveaux enseignements de cette expérience: «Pour ce projet, nous avons pour la première fois mis sur pied un véritable groupe de construction et tout fait de nos propres mains.» L’équipe de neuf personnes incluait aussi une scénographe, un électricien, une menuisière et un charpentier. «Nous avons dû définir chaque détail et chaque vis nous-mêmes.» Malgré la complexité de cette méthode, l’architecte y voit l’avantage de pouvoir tester des idées sur place et de décider dans la foulée. «La nécessité concrète, l’observation minutieuse et l’exécution immédiate caractérise nos actions», ajoute Katalin Deér. C’est ainsi que le site a évolué au fil des années, au gré des personnes arrivant ou repartant, et de leurs besoins. Ceci explique aussi le fait que l’on ne distingue pas l’ancien du neuf. Et alors qu’architectes et développeurs parlent beaucoup ailleurs des concepts de réemploi et d’urban mining, ils sont déjà pratiqués
à Saint-Gall depuis un quart de siècle. Mais c’est bien la maison-atelier, qui tel un porte-drapeau, a finalement réussi à attirer l’attention sur la culture du bâti exemplaire et particulière du Sittertal.

Le texte a été rédigé par Daniela Meyer pour l'Arc Mag 2024–3 et traduit en français par François Esquivié. Les photos et les plans ont été soumis par les architectes pour l'Arc Award 2024.

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