Etablissement socio-éducatif Cité Radieuse
,
Suisse
Publié le 06 février 2023
Joud Beaudoin Architectes Sàrl
Participation au Swiss Arc Award 2023
Données du projet
Données de base
Données du bâtiment selon SIA 416
Description
La Cité Radieuse est une fondation spécialisée (ESE) dans l’accueil de personnes en situation de polyhandicap. Le projet vise à étendre et adapter ses infrastructures, en créant deux nouvelles unités de vie sur la base d'une typologie de plan singulière, en réponse à des modes d’habiter spécifiques.
Situation initiale
Créée en 1967, l’institution héberge aujourd’hui 60 résidents qui se déplacent essentiellement en fauteuil roulant. Elle se présente sous forme d’un cluster de maisons réunies autour d'un socle collectif qui centralise toutes les activités récréatives et nécessaires à l’épanouissement des bénéficiaires. Face à l’obsolescence et aux difficultés d'usage de certaines infrastructures existantes, la fondation lance en 2016 un concours (MEP) pour construire un nouveau bâtiment d'hébergement spécialisé, comprenant 14 chambres dont deux studios, et transformer une partie de ses équipements.
Ébauche du projet
La spécificité de la réflexion, menée dès le concours, réside dans le développement d’une réponse architecturale adaptée au mode d’habiter des bénéficiaires. La recherche s’est focalisée sur la spatialité intérieure, en expérimentant une typologie particulière de plan, pour garantir la fluidité des parcours en fauteuils roulants et offrir une progression graduelle entre les espaces privés et partagés.
En étages, la distribution adopte la figure d’un «8» évitant les culs-de-sac et les virages à angles droits peu favorables à la circulation en fauteuil roulant. Le corridor sinueux donne à chaque résident la possibilité de gagner sa chambre depuis le hall central, en toute intimité, sans traverser les espaces de vie communs. Les renfoncements générés par les pans de mur irréguliers assurent une «promenade» continue et ponctuée de lieux improvisés pour les rencontres entre habitants. Les pièces communes ont aussi été divisées pour donner à la salle à manger et au salon des qualités propres de lumière et de vue, tout en conservant le caractère d’un espace traversant en diagonal. Le dispositif, aux géométries organiques, génère enfin une couronne de chambres à cinq côtés, dont le format ample garantit l’aisance des résidents et des éducateurs dans leurs tâches quotidiennes.
Au rez-de-chaussée, les services mutualisés ont été reconfigurés; l’ancien restaurant fait place à un nouveau plus spacieux et capable d'accueillir de façon plus flexible divers évènements.
Étude du projet
La nouvelle construction est hybride afin d'exploiter les matériaux au plus proche de leurs capacités: le squelette structurel intérieur (dalles et noyaux) est en béton notamment pour optimiser les hauteurs libres d’étage tandis que l’enveloppe et la charpente ont été conçues en ossature bois. Leur préfabrication en atelier a favorisé un montage rapide sur place, limitant les nuisances produites dans un site sensible et occupé. Le revêtement se présente comme une peau légère constituée de lames de bois avec des couvre-joints en saillie; le dessin des lignes a été travaillé pour enrichir les façades de jeux d’ombre et de lumière. La teinte claire donne à l’ensemble une expression douce de «bicoque» plantée dans la colline, et poursuit ainsi modestement l’unité chromatique du site. Le projet est développé en équivalence Minergie avec une production de chaleur gérée par des sondes géothermiques; ce système assure également un free-cooling dans les dalles afin d'augmenter le confort des résidents en été.
Dans le site, le bâtiment adopte une attitude paysagère: il s'adosse à la colline et utilise la topographie pour créer un second niveau de référence, ou rez-de-jardin, qui offre aux unités de vie un accès de plain-pied depuis le chemin de ronde. Enfin, cette intervention paysagère a permis d’intégrer un parking enterré mais à niveau du socle, pour faciliter la prise en charge des bénéficiaires dans les véhicules spécialisés, sans quitter les espaces intérieurs.
Réalisation
Le développement du projet et le suivi d'exécution (direction architecturale et direction des travaux) ont été menés en interne par notre bureau d'architectes. Face à la nécessité d'un haut niveau d'équipement du bâtiment (systèmes d’automatisation et d'aide aux résidents, installations de contrôles d'accès, etc.), un des défis a été de maintenir le projet dans la cible financière tout en garantissant ses qualités spatiales. L’objectif a pu être atteint grâce à un travail régulier d'optimisations, certaines parties d'ouvrage ayant été retravaillées en cours de développement. Au départ, une transformation légère du restaurant existant était prévue avec le maintien des murs et des dalles mais, au final, les contraintes nous ont dirigé vers une démolition-reconstruction de cette partie d'ouvrage. Ce changement nous a permis d'étudier une nouvelle variante formelle du restaurant avec le dessin d'une rotonde qui se projette sur l'espace de la place et offre une nouvelle articulation de l'entrée du site.
Parallèlement, les usages de certains résidents se sont retrouvés éloignés des prescriptions de la SIA 500, en particulier dans la manière d'utiliser les salles de bains. Ainsi, nous avons procédé à des tests en situation réelle pour dessiner ces espaces de la façon la plus appropriée. Les salles de bains sont aussi conçues avec des positions réversibles d'équipement pour pouvoir s'adapter à une évolution dans le temps du handicap des habitants.
Particularités
Pour le maître d’ouvrage comme pour notre bureau d’architectes, ce projet d’ESE met l’architecture domestique au défi d’usages et d’appropriations spécifiques, obligeant une approche critique des dispositifs spatiaux conventionnels de l’habitat.
Un préalable fondamental à notre recherche était de quitter les principes institutionnels appliqués notamment dans les EMS où les lieux de vie sont plutôt regroupés en grands espaces indéfinis qui ne profitent pas à l’intimité des résidents. De même, il s’agissait de trouver une solution alternative aux habituelles batteries de chambres organisées avec leurs salles de bains le long de couloirs linéaires, qui apparaissaient dans la faisabilité du concours, sans convaincre sur leur qualité d’appropriation. En développant la géométrie organique du plan, il devenait possible de placer les salles de bains dans les angles, en terminaison des chambres plutôt qu’aux entrées, maximisant ainsi l’espace de la chambre par la suppression du sas.
Dès la mise en fonction du bâtiment, l’expérience du plan et de sa distribution en «8» a été bien reçue par les résidents dont les profils de vie et d’handicap sont très différents: chacun vit à sa manière son unité d’hébergement comme s’il s’agissait d’un grand appartement en colocation où il est possible de se cacher des autres, se retirer dans la pénombre d’un recoin, ou encore choisir son propre trajet pour circuler librement. Parallèlement, ce sont des espaces quotidiennement sollicités par les déplacements en fauteuil roulant qui nécessitent à notre sens une architecture sobre et élémentaire, où les qualités spatiales prédominent sur le cadre matériel.