Individual Infrastructure

La projet met en œuvre un matériaux local et oublié, la molasse bleue. Le site se trouvant à l'emplacement d'une ancienne carrière ayant servis à la construction des grands monuments de la région lausannoise, l'utilisation de ce matériau y trouve tout son sens dans l'agrandissement d'un atelier.

Situation initiale

Situé sur le plateau vaudois au nord-est de Lausanne, dans la commune de Savigny, le projet (018) s’inscrit dans un territoire marqué par l’histoire géologique, matérielle et tectonique de la région.
La ville de Lausanne s’est développée sur un affleurement de molasse. Sa construction est intimement liée à l’excavation, l’extraction, la taille, et la mise en œuvre de ce grès local. Cette pierre fut employée pour l’édification des bâtiments les plus importants de la cité, comme la cathédrale Notre-Dame de Lausanne, le château Saint- Maire ou encore l’ancienne université.

Ébauche du projet

A Savigny plusieurs carrières se sont développées lorsque celles de Lausanne sont devenues trop difficiles d’accès. Aujourd’hui, la commune garde la trace de cette extraction par de grands cirques creusés dans la topographie. C’est sur ces terrasses qu’un grand nombre de maisons individuelles ont ensuite été édifiées, au cours des années 1970.
Le projet se situe dans le quartier du Nialin, qui s’est développé sur une de ces anciennes carrières à Savigny. Il naît du besoin de remplacer une infrastructure de garage soutenant le terrain d’une maison individuelle, endommagée par l’érosion et le ruissellement de l’eau. Parallèlement à cette nécessité structurelle, les habitants – en dialogue avec les architectes – ont vu ce chantier comme l'opportunité de revoir l'usage qu'ils faisaient d'un lieu de stockage pour en faire également un lieu de vie.

Étude du projet

La proposition faîte aux habitants est celle d’un volume simple et généreux venant soutenir le terrain et accueillir de multiples usages. Construit sur les traces de l’ancien garage, le projet cherche à dialoguer avec l’histoire du lieu et de la région.
Ce contexte devient l’opportunité pour ellipsearchitecture pour continuer leurs réflexions sur la culture de la construction et les modes d’habiter contemporains.
La simplicité spatiale (un volume de 10 par 4, 60 par 3 mètres) laisse place à une composition tectonique précise née du dialogue de différentes intelligences, savoirs-faire et corps de métiers. Elle se cristallise dans la construction de la façade sud, un assemblage monolithique de blocs de molasse, de linteaux en béton, d’un maillage d’armatures métalliques et d’une charpente de en poutres bois.

Réalisation

Le (ré)emploi de pierre structurelle vient construire la logique formelle de la façade. Celle-ci réside dans l’optimisation de la taille des blocs et la volonté de réduire l’effort de mise en œuvre. Une mesure de base de 2 mètres de large par 1.2 mètres de haut par 20 cenimètres d’épais, est définie en dialogue avec les exploitants et artisans de la carrière de Villarlod près de Fribourg.
Les discussions avec les ingénieurs permettent de mettre au point le maillage qui rend la façade résistante aux charges sismiques. Il est composé d’éléments préfabriqués bétons, renforcés par une grille d’armatures verticales qui vient cintrer ces fins linteaux avec les blocs de molasses. Les éléments en béton, saillant à l’extérieur, servent également à limiter l’écoulement d’eau sur la surface des blocs de molasse.
Au sommet de la façade, se pose une charpente bois qui supporte la couverture sur laquelle se prolonge le jardin. Les poutres massives de la charpente viennent traverser la façade à l’extérieur pour supporter l’avant-toit. Il agit comme une corniche prononcée et vient protéger les pierres.

Particularités

Aujourd’hui le garage-atelier suit un processus de transformation qui se cristallise dans un ensemble de petites interventions en auto-construction. La simplicité de l’architecture et de sa construction facilitent la (ré)appropriation par les habitants.
Au plafond, les poutres massives servent de support à une série d’installations secondaires. Vers l’entrée, quelques lattes entre deux poutres permettent de stocker les skis et bâtons du couple. Un peu plus loin, le long de la façade sud, un système
ingénieux de cordes et de poulies permet de suspendre aux poutres un de leurs vélos. Au fond de la pièce, un établi trône fièrement sur une plateforme construite par les habitants qui permet d’entreposer d’autres matériaux au sol.
Dans le contexte caractéristique de l’étalement urbain en Suisse, le nouvel hybride constructif rend compte de l’atmosphère particulière du mélange des mondes de la campagne et de la ville.
La typologie urbaine du garage entre en dialogue avec la typologie rurale des granges agricoles voisines. A la manière des infrastructures productives, caractérisées par de larges volumes simples, la nouvelle construction cherche avant tout à offrir un espace couvert destiné à protéger diverses activités des intempéries. L’intérieur généreux vient supporter différentes scénographies de vie.
La réalisation d’un objet a priori «banal» en pierre massive permet de s’interroger sur l'importance accordée aux lieux de stockage dans le quotidien. Trop souvent standardisés, réfléchis uniquement de manière fonctionnelle et peu mis en valeur dans l'habitat, les espaces de stockage sont aussi des lieux d’archives matérielles, de cultures et de mémoires.
Pour ellipsearchitecture, le projet d’architecture est forcément un processus de transformation d’un contexte spécifique. Qu’elle soit matérielle ou théorique. L'architecture est une attitude face à l’existant.

Le texte a été formulé par les architectes dans le cadre de la soumission du projet pour l'Arc Award 2023.