Archisatire – a Counter-History of Architecture

 

Publié le 10 décembre 2025

Comment comprendre l’architecture à travers la satire? L’exposition Archisatire au Teatro dell’architettura Mendrisio place cette question au centre et ouvre une perspective rarement évoquée dans le discours architectural: une relecture satirique du cadre bâti. Le commissaire Gabriele Neri introduit caricature, ironie et grotesque dans un espace où dominent habituellement sérieux et rigueur – et montre à quel point la satire visuelle répond, depuis des siècles, avec une précision redoutable aux tensions et contradictions de l’architecture.

Enrico Cano

Aperçu de la présentation d'imprimés historiques et de satires graphiques | Photo: Enrico Cano

Aperçu de la présentation d'imprimés historiques et de satires graphiques | Photo: Enrico Cano

La satire comme contre-lecture de l'architecture

Depuis le début de l'ère moderne, les médias visuels dans les journaux et les magazines accompagnent les transformations urbaines et les typologies architecturales, souvent sous une forme satirique et dans le but d'une diffusion rapide. Neri ne les considère pas comme des notes marginales, mais comme une forme de critique architecturale: elles dévoilent les intérêts politiques, les promesses exagérées de progrès et les modes esthétiques. Mais surtout, elles montrent à quel point les interventions architecturales influencent la vie quotidienne, un aspect que les historiographies classiques occultent souvent.

Enrico Cano

Illustrations, gravures et représentations architecturales satiriques provenant de la bibliothèque de l'Accademia | Photo: Enrico Cano

Illustrations, gravures et représentations architecturales satiriques provenant de la bibliothèque de l'Accademia | Photo: Enrico Cano

Quatre parcours à travers l'histoire satirique de l'architecture

L'exposition s'articule en quatre chapitres, chacun ouvrant une approche particulière de la réflexion satirique sur l'architecture:

The Architect in Caricature Ce chapitre montre comment l'image de l'architecte oscille entre admiration et dérision. Des portraits tirés de traités de la Renaissance, des allégories anciennes et des exemples issus de la culture pop – comme le film The Fountainhead (1949), qui présente l'architecte comme un héros solitaire intransigeant – montrent comment les caricatures remettent sans cesse en question cette figure.

Urban Scandals Ce chapitre se concentre sur les ruptures urbanistiques. Des illustrations satiriques et des commentaires cinématographiques accompagnent les débats houleux autour de constructions provocantes – du Crystal Palace et de la maison Loos au Guggenheim de New York et au Centre Pompidou. Les exemples illustrent comment l'innovation architecturale suscite souvent d'abord résistance et irritation.

The Irrational House La maison d'habitation apparaît comme un terrain particulièrement propice à l'exagération. Du modèle rationnel du Bauhaus à la villa Arpel de Jacques Tati (dans le film Mon Oncle, 1958, une villa modèle satirique, exagérée, moderne, mais totalement invivable), ce chapitre présente un panorama d'attitudes dans lesquelles les nouvelles formes d'habitat suscitent l'ironie, le scepticisme ou le rire ouvert.

Caricatures of the Architect Dans le dernier chapitre, l'exposition met l'accent sur les architectes qui travaillent eux-mêmes le dessin. Sous le titre Caricatures of the Architect, leurs caricatures et grotesques montrent la profession telle qu'ils la voient à travers leur propre regard – tantôt comme une autocritique acerbe, tantôt comme une échappatoire ludique aux routines et aux exigences du quotidien d'un architecte.

Enrico Cano

L’exposition met au premier plan des dessins historiques et contemporains qui interrogent l’architecture par l’ironie, la distorsion et l’exagération. | Photo: Enrico Cano

L’exposition met au premier plan des dessins historiques et contemporains qui interrogent l’architecture par l’ironie, la distorsion et l’exagération. | Photo: Enrico Cano

La scène de la vie quotidienne

L'exposition présente des illustrations, des photographies, des films, des maquettes, des affiches et des gravures historiques provenant de la bibliothèque de l'Accademia. Les auteurs représentés vont de William Hogarth (1697-1764, satiriste britannique et chroniqueur graphique de la vie urbaine) à Honoré Daumier (1808-1879, caricaturiste français et observateur acéré de la bourgeoisie) à Alessandro Mendini (1931-2019, designer italien et théoricien du décor postmoderne) et Ugo La Pietra (né en 1938, architecte italien et critique radical du design, connu pour son analyse de la relation entre l'habitat et la ville). Contributions cinématographiques – dont One Week (1920, démantèlement burlesque de la maison idéalisée) de Buster Keaton, Mon Oncle (1958, satire de l'idéal d'habitat hypermoderne) et Playtime (1967, critique de la grande ville en mode modernisation totale) de Jacques Tati, ainsi que Houselife (2008, regard derrière la façade brillante de l'architecture contemporaine) de Koolhaas – élargissent la perspective de l'image fixe au commentaire animé.

KCaricature sur le boom des gratte-ciel à New York au début du XXe siècle : l'église néogothique est surplombée et presque engloutie par l'architecture verticale commerciale. Albert Levering, The Future of Trinity Church, 1907 | Illustration © Courtesy Library of Congress, P&P
La ligne d'horizon apparaît ici comme un meuble compact. Saul Steinberg, Chest of Drawers Cityscape, 1950, Morgan Library & Museum, New York. | Illustration © The Saul Steinberg Foundation/Artists Rights Society (ARS), New York

L'espace comme figure de pensée

Archisatire ne considère pas la satire comme un phénomène marginal, mais comme un outil critique. L'exposition déplace ainsi le regard sur l'histoire de l'architecture : loin des récits linéaires, vers les ruptures, les frictions et les malentendus. Les visiteurs de l'exposition découvrent non seulement les bouleversements urbains historiques et les bâtiments emblématiques sous un nouveau jour, mais aussi le pouvoir d'action de la critique visuelle. La conception et l'habitation apparaissent comme des processus sociaux dans lesquels l'humour et l'ironie révèlent plus que leur ton léger ne le laisse supposer. Le livre de Neri, Satira dell'architetto, publié par Mendrisio Academy Press et Edizioni Casagrande, accompagne l'exposition.

Courtesy Eredi Mino Maccari

La silhouette porte dans son ventre un plan de la ville et un plan d'ensemble, symbolisant un excès visible d'ordre rationnel. Mino Maccari, Un’indigestione di Razionale, «Il Selvaggio», 15 agosto / August 1936 | Illustration © Courtesy Eredi Mino Maccari

La silhouette porte dans son ventre un plan de la ville et un plan d'ensemble, symbolisant un excès visible d'ordre rationnel. Mino Maccari, Un’indigestione di Razionale, «Il Selvaggio», 15 agosto / August 1936 | Illustration © Courtesy Eredi Mino Maccari
Le dessin montre les micro-logements modernes comme une exagération spatiale. William Heath Robinson, pages from W. Heath Robinson, K.R.G. Browne, How to Live in a Flat, Hutchinson & Co., London 1936 | Illustration © Hutchinson & Co., London
Le Corbusier apparaît comme une figure architecturale de son propre langage formel. Louis Hellman, Late Corb, 2000 | Illustration © Louis Hellman / RIBA Collections

Teatro dell’architettura Mendrisio

Archisatire – a Counter-History of Architecture

Exposition: jusqu'au 29 mars 2026

Lieu: Via Turconi 25, Mendrisio

Heures d'ouverture: du jeudi au vendredi de 14h à 18h, du samedi au dimanche de 10h à 18h

Informations complémentaires
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