Marina Abramović – Impressions d'une rétrospective des extrêmes
Le Kunsthaus de Zurich présente jusqu'au 16 février 2025 la première grande rétrospective de Marina Abramović en Suisse. Un événement que notre rédaction a également vécu intensément. Avec des œuvres de toutes les périodes de création, des performances recréées en direct et une nouvelle œuvre spécialement conçue pour Zurich, l'exposition fascine le public. Les «Long-durational Performances» d'Abramović testent les limites du corps et de l'esprit et posent la question suivante: comment l'art, qui place la douleur, la honte et l'intensité au centre, change-t-il notre regard sur nous-mêmes? Les réactions sont multiples: de l'enthousiasme au malaise en passant par le mutisme, jusqu'où l'art peut-il aller pour nous toucher vraiment?

Marina Abramović, «The Message», 2024, Édition pour le Kunsthaus Zürich © Marina Abramović; Photo: Michel Comte

Performance «Imponderabilia» | Vue d‘installation Kunsthaus Zürich, 2024 | Photo: Franca Candrian, Kunsthaus Zürich, Oeuvres: © courtesy of the Marina Abramović Archives / 2024, ProLitteris, Zürich

Vue d‘installation Kunsthaus Zürich, 2024 | Photo: Franca Candrian, Kunsthaus Zürich, Oeuvres: © courtesy of the Marina Abramović Archives / 2024, ProLitteris, Zürich
L'exposition au Kunsthaus de Zurich a été organisée en collaboration avec la Royal Academy of Arts de Londres. Un thème central de la rétrospective est l'interaction entre Abramović et les visiteurs. Tout au long de l'exposition, il y a toujours des possibilités de participation – un exemple en est «Decompression Chamber», qu'Abramović a développé spécialement pour le Kunsthaus Zurich. Elle invite à s'arrêter en silence et à «décompresser». L'attention et la décélération sont ici au premier plan. Lors de notre visite, nous avons eu l'occasion non seulement de voir des œuvres de différentes époques, mais aussi d'assister à des reconstitutions en direct de leurs performances sur place. Nos réflexions sur les œuvres se basent sur les impressions et les observations faites lors de l'exposition.

Vue d‘installation Kunsthaus Zürich, 2024 | Photo: Franca Candrian, Kunsthaus Zürich, Oeuvres: © courtesy of the Marina Abramović Archives / 2024, ProLitteris, Zürich
Balkan Baroque: une performance sur la douleur de la patrie
Nous avons été particulièrement impressionnés par une performance antérieure de Marina Abramović, présentée sous la forme d'une installation vidéo. «Balkan Baroque» de Marina Abramović a été présentée à la Biennale d'art de Venise en 1997 et fait partie d'une réflexion sur son pays d'origine. Cette performance a été réalisée en réaction au conflit sanglant dans les Balkans qui a débuté en 1991 avec l'éclatement de la Yougoslavie. Abramović a effectué une tentative rituelle symbolique de purification pour faire face aux horreurs de la guerre. Pendant quatre jours, elle a passé six heures par jour sur une montagne d'os de bœuf frais, en partie ensanglantés. Avec de l'eau et une brosse, elle a nettoyé les os des restes de viande tout en chantant des chansons populaires de son enfance. De notre point de vue, cette performance transmet la futilité de pouvoir guérir complètement les blessures d'une guerre et représente un symbole universel de la souffrance humaine.
L'installation vidéo en trois parties montre Abramović, encadrée par ses parents. Vêtue d'une blouse de laboratoire blanche, elle raconte l'histoire du «rat-loup» qui mange ses propres congénères. Ce récit pourrait refléter la désintégration des sociétés dans les Balkans pendant la guerre, où les voisins sont devenus des ennemis et où les identités collectives se sont brisées. Pour finir, Abramović danse un csárdás hongrois. Les thèmes de la violence et de l'érotisme traversent également cette œuvre et renforcent le langage visuel obsédant.

Ulay et Marina Abramović, Performance «Light Dark», 1978
Performances dans l'exposition
«Art Must be Beautiful |Artist Must be Beautiful» (1975) montre une performeuse qui se peigne agressivement les cheveux avec une brosse et un peigne. Ce faisant, elle répète comme un mantra la phrase «art must be beautiful, artist must be beautiful».
«Imponderabilia» (1977) – A l'entrée de l'exposition, deux personnes nues se font face, les visiteurs doivent passer entre les deux. L'acte de passer devant devient ainsi une expérience physique immédiate, qui peut être comprise à la fois comme une œuvre d'art et comme une expérience sociale.
«Counting the Rice» (2014) – La «méthode Abramović» est une exploration de la présence dans l'espace et le temps. Elle se compose de différents exercices qui aident à renforcer la volonté et la capacité. «Counting the Rice» est l'un d'entre eux. Le public est invité à séparer les lentilles du riz et à les compter.
«Luminosity» (1997) – Dans cette performance, une performeuse nue est assise, les bras levés, sur une selle de vélo montée sur un mur. La scène semble à la fois intime et puissante, comme si l'artiste se tenait en équilibre entre vulnérabilité et affirmation de soi. Sa posture, renforcée par la position inhabituelle de la selle de vélo, joue sur les thèmes du contrôle et de la douleur.
«Decompression Chamber» (2024) – Cette performance est une expérience interactive à laquelle le public peut participer activement. La «Decompression Chamber» est une sorte d'espace méditatif qui invite à laisser le quotidien derrière soi et à s'immerger dans un niveau de perception plus profond.
Kunsthaus Zürich
Marina Abramović. Retrospektive
Exposition: Jusqu'au 16 février 2025
Lieu: Heimplatz, Zurich
Heures d'ouverture: mar, mer, ven 10-18 h, jeu 10-20 h, sam 11-17 h