Résidence secondaire, Ulrichen
,
Suisse
Publié le 02 juin 2020
Aviolat Chaperon Escobar Sàrl
Données du projet
Données de base
Données du bâtiment selon SIA 416
Description
Habiter un bâtiment utilitaire
Le bureau d’architecture Aviolat Chaperon Escobar a convertit un ancien séchoir à foin en maison d’habitation. L’enveloppe et l’ensemble du caractère architectural du bâtiment classé ont été conservés.
La notoriété contemporaine de Ulrichen, petite localité de la commune Obergoms située aux pieds des cols de Nufenen et Gries dans le Haut-Valais, est en partie construite sur son centre de ski nordique, la FIS-Loipen et la Sonnenloipe reliant Obergesteln à Münster. C’est ici que débute l’histoire de la reconversion d’un séchoir à foin, propriété d’un menuisier fribourgeois. Les architectes du projet, Aviolat Chaperon Escobar, jeune bureau fribourgeois, qualifient leur approche d’une exploration de ce qu’ils nomment les «fondamentaux»: volumétrie, espace, construction et matière. Selon Alexandre Aviolat, «le défi de toute reconversion, c’est le changement de fonction et la nécessité de modifier des espaces qui n’étaient pas pensés pour un autre usage tout en y développant une atmosphère adaptée».
Spatialités imbriquées
Le séchoir à foin, dont la construction remonte à 1725, est situé dans une zone protégée, imposant au maître d’ouvrage et aux architectes l’usage de son enveloppe: une emprise au sol d’une vingtaine de mètres carrés et une hauteur de neuf mètres. C’est la verticalité du lieu que les architectes ont voulu souligner en imbriquant les trois niveaux qui structurent désormais la résidence secondaire. On accède côté nord au logement par quelques marches abritées sous la partie supérieure en saillie du séchoir. Une fois le cadre vitré coulissant disparu dans l’épaisseur du mur, on enjambe un seuil ouvrant sur une cuisine habitable qui occupe le rez supérieur. Une ouverture de même proportion que la porte d’entrée dévoile le voisinage et le versant d’en face. Une double-hauteur, mise en valeur par l’apport de lumière zénithale d’un Velux, confère à l’espace un caractère soyeux et nous projette déjà au niveau supérieur. Derrière le bloc de la cuisine, un escalier japonais escarpé mène à une chambre d’ami au rez inférieur et à deux chambres au niveau supérieur. La chambre d’amis profite d’une large ouverture, elle aussi existante et équipée d’un coulissant à double vantail. Chacune des chambres est conçue avec une attention toute particulière portée sur l’exploitation des moindres recoins, à l’image d’une cabine de bateau.
Vérité constructives
Malgré sa structure en madriers, les murs du séchoir étaient dans l’incapacité d’assurer la statique de la transformation. Le bâtiment et son aspect tectonique étant protégés, l’intervention architecturale a consisté à insérer un bâtiment dans un bâtiment. Une ossature bois autoportante remplie de laine de verre et séparée des madriers par un simple pare-vent constitue le squelette du nouveau bâtiment. Le parement intérieur de l’ossature et le mobilier, uniformément réalisés en panneaux trois-plis sapin, sont une prestation propre du maître d’ouvrage. Le poids de cette nouvelle structure a par ailleurs obligé les architectes à une reprise en sous-oeuvre de la construction en madriers afin de remplacer les moellons du mur de fondation par un ouvrage en béton, soulignant au passage son caractère neuf et un choix constructif simple. L’ensemble est abrité sous une nouvelle charpente recouverte de bardeaux caractéristiques pour ce type de bâtiments agricoles, à l’image des chéneaux réalisés dans des troncs d’arbre creusés.
Pragmatisme fonctionnel
Et le bâtiment présente à ce titre un dialogue intéressant entre nouveau et ancien. Alors que la nouvelle structure est influencée par la peau existante – en témoignent les percements qui structurent la répartition des fonctions à l’intérieur – les besoins liés au logement et à la demande spécifique du maître d’ouvrage enrichissent l’expression vernaculaire. L’ajout d’un meuble d’entrée, équipé d’un casier à skis accessible depuis le palier extérieur de l’entrée, est un rappel pratique mais aussi attentif à la réserve de bois que l’on entreposait autrefois à l’abri des intempéries. De même les petites fenêtres nouvellement créées des deux chambres du niveau supérieur sont la transcription de l’expression architecturale fermée du séchoir à l’origine. Il en va de même de la double-hauteur de la cuisine. Elle est un clin d’oeil fait à l’organisation verticale du séchage du foin et apporte une dimension contemplative. Ici encore, l’attention est portée sur l’usage de l’espace en fixant au niveau supérieur un filet antichute. Ce dialogue entre existant et usage explore parfois des limites, comme en témoigne le petit balcon prolongeant la cuisine au sud. Réalisé avec des assemblages encastrés traditionnels et à l’abri sous le porte-à-faux du niveau supérieur, il offre une hauteur de 1,60 mètre, insuffisante pour se tenir debout. Inconfortable peut-être, mais révélateur du cachet et de la spécificité de cette reconversion.
Spécificité atmosphérique
Aviolat Chaperon Escobar abordent leurs projets avec le souhait d’en faire des révélateurs de l’esprit du lieu orchestrés par le biais de détails spécifiques à l’héritage ou au contexte de l’ouvrage. Dans le séchoir à foin converti on retrouve donc certaines touches qui évoquent l’espace alpin, à l’image des carreaux traditionnels habillant entièrement les cabines de douches, des parois à claustras obstruant les niches des radiateurs, ou encore des lavabos âgés d’une centaine d’années et récupérés d’anciennes constructions montagnardes valaisannes. Ces touches sont parfois aussi inspirées par des impulsions neutres et répondent à des choix architecturaux fondamentaux, à l’image du choix réduit de matériaux, a fortiori de la volonté de différencier murs et planchers par rapport aux menuiseries par l’exécution en sapin des uns et en mélèze des autres. La synthèse du pragmatisme fonctionnel et de la vérité constructive trouve son exutoire dans les détails qui rendent si particulier chacun des projets d’Aviolat Chaperon Escobar. C’est aussi le cas de cet ancien séchoir à foin devenu résidence secondaire: l’attention portée à la fonctionnalité de l’espace disponible et aux détails est à la source d’une grande, mais surtout belle habitabilité.
Texte: François Esquivié