Transformation d'un bâtiment protégé de 1906

Contexte général
Le projet se situe dans le cœur historique de Fribourg, dans le mythique quartier du bourg. La molasse y est omniprésente, et procure au quartier une certaine austérité. La vie est pourtant bien présente, soutenue par les nombreux petits commerces, et rythmée par les cloches de la cathédrale. Le bâtiment route des Alpes 9 s’installe tardivement dans le quartier. Il fut construit au début du 20ème siècle juste après la création de la route des Alpes qui longe la falaise en dominant la basse-ville. Il jouit donc de ce dégagement surprenant au Sud, en surplomb de la basse-ville, face au monastère de Montorge, à la chapelle de Lorette, et au soleil zénithal.

Genèse du projet
Il surprend aussi par sa petite taille, accentuée par son avancée solitaire au bord de la route des Alpes, tandis que les grands bâtiments se tiennent à l’arrière, plus en retrait par rapport à la route. Le propriétaire de l’époque avait le bâtiment à l’arrière, côté rue des Alpes, et construisit ce nouveau, séparé par une cour intérieure au rez supérieur, pour y faire une maison et un magasin au rez-inférieur. Par la suite, la partie habitée subit de nombreuses transformations qui dénaturèrent à la fois la typologie du bâtiment et son caractère propre. Là est donc le point de départ du projet: redonner au bâti sa typologie, valoriser son patrimoine historique, et assainir son enveloppe largement endommagée. Dans ce même souci du respect des époques, l’intervention est contemporaine. Elle cherche son expression propre, sans concurrence avec le patrimoine historique revalorisé. 

Projet vertical / typologie verticale
Rétablir la typologie d’origine se décline en deux aspects. Il s’agit d’abord de la typologie verticale: rétablir le lien entre tous les étages de la maison, pour permettre un parcours fluide de haut en bas. L’escalier en pierre du rez-supérieur à l’étage avait été condamné pour permettre deux locations indépendantes. Il fut rétabli et restauré. Puis, pour accéder au toit-terrasse, un nouvel escalier fut créé dans le même sens que celui d’origine, en respectant la matérialité minérale naturelle mais en assumant sa construction contemporaine. Le béton est donc choisi, coulé dans un coffrage patiemment fabriqué par les maçons avec des lattes en bois qui marquent de leur empreinte le profil de l’escalier.

Projet horizontal / typologie en plan
Le second aspect typologique qui dirige le projet est la typologie du plan d’étage: une partie servante au Nord, avec des pièces fonctionnelles et une matérialité minérale; et une partie servie au Sud séparée en deux pièces par une cloison avec armoire, pour les chambres ou espaces de vie, avec une matérialité boisée. Tout le projet s’inscrit dans ce respect typologique. A l’étage, une chape recouvrait le parquet d’origine et la cloison séparatrice était partiellement détruite. La chape fut retirée, le parquet en mélèze restauré pour les pièces Sud, et la cloison prolongée pour accueillir une nouvelle penderie, en référence à l’armoire d’origine. Dans toutes les pièces Sud, les sols, les plinthes, les frises, les moulures furent soit restaurées, soit re-fabriquées. Le chauffage par radiateur est conservé, tandis que les espaces Nord profitent des nouvelles chapes pour inclure un chauffage au sol.
En parcourant le projet, le visiteur découvre la richesse typologique du bâtiment, et distingue clairement ce qui est restauré de ce qui est neuf. En effet, les éléments neufs furent conçus avec une matérialité qui soit à la fois cohérente pour l’ensemble du projet, et en symbiose avec les éléments de caractère historique. Pour cela, uniquement des matériaux bruts furent choisis. Ils intègrent une patine naturelle avec le temps, en référence aux constructions traditionnelles, dans une même recherche de vérité constructive. Ils possèdent toutefois une identité propre: le béton pour les éléments structurels (linteaux, escaliers, murs extérieurs) et les éléments emblématiques du confort moderne (ilot de cuisine, plan de travail, douche, baignoire), le chêne pour les cloisons neuves et la menuiserie, l’acier inoxydable pour la serrurerie et la sortie de toiture. Les traitements ne recouvrent jamais la matière: soit ils la pénètrent, soit ils la creusent. Les boiseries sont huilées, afin d’augmenter leur pérennité tout en gardant la texture et la respiration du matériau. Le béton est quant à lui soit poncé pour en révéler la texture, soit bouchardé et ciselé afin de rappeler le travail de la pierre aux alentours. Les éléments extérieurs en acier inoxydable sont quant à eux sablés, pour leur conférer une teinte plus sombre et plus mat aidant à leur intégration au contexte, et rappelant le fer forgé d’antan. 

Toit-terrasse
D’étage en étage, le visiteur achève son parcours par le seul espace entièrement remis à neuf: le toit-terrasse. Il découvre une vue que seules certaines fenêtres avaient pu cadrer, mais qui s’impose maintenant en panorama, de la cathédrale au funiculaire, de la basse-ville à la chapelle de Lorette. Le toit-terrasse lui-même se compose au sol de lames préfabriquées en béton sablé, posées à chevrons en référence aux parquets intérieurs, mais en respectant la matérialité minérale propre aux terrasses de ville. La sortie de toiture, seul objet véritablement dessiné, s’impose et s’intègre à la fois. Ses murs Nord et Sud se superposent naturellement aux murs intérieurs, et le béton bouchardé affirme leur fonction structurelle. La face ouest à l’inverse est d’un autre statut, exprimé par sa matérialité métallique. En retrait des murs pignons, elle intègre une armoire de rangements extérieurs. Avec l’évier et le bar coulé sur place, elle enrichit les possibilités d’usage afin d’offrir une véritable pièce à vivre à cette toiture mémorable.

Le projet de Deschenaux Architectes a été soumis dans le cadre du Swiss Arc Award 2025 et publié par Elisa Schreiner. La version française a été revue par Estelle Gagliardi.