Immeuble d'habitation et de commerce Zollhaus

5 von 44

 
8005 Zürich,
Suisse

Publié le 09 mars 2022
Enzmann Fischer Partner AG
Participation au Swiss Arc Award 2022

Au premier étage, la terrasse du bar «Gleis»  est accessible grâce  à des escaliers extérieurs mais également depuis  le Forum. Le bâtiment central abrite des bureaux et des salles  de séminaire. C’est là qu’a  été créé, entre autres,  la «Regenbogenhaus»,  un lieu d’accueil pour  les personnes LGBTQ+. La matérialisation brute  du restaurant, du théâtre et du forum donne l’impression que l’espace de la rue s’écoule à travers le bâtiment. La buanderie a été délibérément conçue comme un lieu de rencontre. L’aménagement intérieur  de l’habitat d’une halle  a été conçu par les habitants eux-mêmes. Le concept  de l’association «zurwollke» innove totalement. Ses membres habitent ainsi  dans de petites tours modulaires mobiles, qui peuvent s’organiser de  façon Les habitations dans  les halles sont accessibles  par un atrium et les appartements situés au-dessus par des coursives.

Données du projet

Données de base

Situation de l'objet
Zollstrasse 109, 8005 Zürich, Suisse
Catégorie de projet
Achèvement
01.2021

Données du bâtiment selon SIA 416

Étages
de 6 à 10 étages
Nombre de sous-sols
2 étage
Surface de plancher
15'470 m²
Volume bâti
56'470 m³
Coûts de construction (BKP 2)
50,9 mio. CHF

Description

Plaques grises de fibro-ciement, béton brut, acier galvanisé: telle une citadelle, la Zollhaus se dresse entre les façades de style Gründerzeit du district branché qu’est le «Kreis 5» et la zone de voies ferrées qui serpente devant la gare centrale de Zurich. De nos jours, cette ancienne maison de douane ne protège, ni ne refoule plus personne. Il est temps de faire un point d’étape sur le projet.

La coopérative Kalkbreite défend la cause du vivre-ensemble urbain qui n’utilise qu’une surface réduite des sols. Ayant fait une croix sur la voiture, ses membres recherchent la vie communautaire et sont ouverts à de nouvelles typologies d’habitation. En 2014, la coopérative a pu emménager dans son premier projet éponyme dans le district 4 de l’agglomération zurichoise. Son deuxième projet est né entre 2015 et 2021 à la Zollstrasse. Le bureau AGPS Architecture et Girot Landscape Architects ont fourni le plan d’aménagement de la longue bande de terrain qui suit en parallèle les rails de la gare centrale dite «HB-Nord». Achetée par la coopérative, la parcelle mesure environ 40 mètres de profondeur et 130 mètres de long. Elle se situe à l’angle de la Zollstrasse et de la Langstrasse. Dans le cadre d’un appel d’offres ouvert, le bureau d’architecture Enzmann Fischer et les architectes paysagistes Koepfli partner se sont imposés face à 101 autres projets – ce qui témoigne du vif intérêt de tous les architectes, femmes et hommes, qui s’étaient mis dans les rangs.
Sur le plan de l’urbanisme, le projet s’en tient, pour l’essentiel, aux directives du masterplan. Il se compose de trois volumes posés sur un socle massif longeant la zone de voies ferrées. Les vides entre ces volumes correspondent à la surface de deux routes pénétrantes venant du nord: la Mattengasse et l’Ackerstrasse. Ils offrent à ces espaces urbains une lumière méridionale et prolongent la vue. Avec audace, la maison située le plus à l’ouest a été détachée du reste des volumes pour épouser les ondulations du labyrinthe des voies, si bien que deux petites cours d’entrée triangulaires ont pris naissance sur l’artère très fréquentée qu’est la Langstrasse. Cela a conféré une identité emblématique à toute la zone. Ces cours d’entrée créent de la valeur ajoutée pour le quartier et offrent un havre de paix sur la trépidante Langstrasse.

Bâtir une communauté
Même si, vus de l’extérieur, ces trois volumes ont l’air quasiment identiques, ils abritent en réalité un ambitieux programme de répartition très diversifiée des pièces et des espaces. Cette grande variété de typologies d’habitation et d’usages publics a pour but d’ancrer la Zollhaus dans le quartier. Les lieux publics sont situés de plain-pied au niveau du rez-de-chaussée de la Zollstrasse et de la Langstrasse dans le socle du bâtiment ainsi qu’au premier étage, avec une connexion à la Gleisterrasse, terrasse librement accessible donnant sur les voies ferrées. Ici, des restaurants, des bistrots, des bureaux de diverses organisations, des magasins, un théâtre et un jardin d’enfants s’imbriquent de manière compacte. Dès le deuxième étage, petits appartements, logements pour personnes âgées, appartements familiaux et halles de séjour assurent la mixité sociale. Exigus, les logements en propriété par étages situés dans le bâtiment du milieu bénéficient d’une extension grâce aux espaces communautaires et aux toits-terrasses que les habitants peuvent adapter et aménager à leur gré.

Réduction radicale
Le projet recherche une réduction radicale au niveau du design. Les matériaux de construction ont été assemblés de manière ascétique, et leurs surfaces ont été présentées le plus directement possible. Béton apparent, garde-corps en acier galvanisé, briques de verre et revêtements de sols industriels caractérisent les intérieurs. Là où, pour des raisons acoustiques, cela s’avérait absolument nécessaire, les plafonds ont été recouverts de panneaux légers en laine de bois, ou les murs ont été pourvus de briques phoniques. À l’instar d’Antonin Tchekhov, pour qui les accessoires n’apparaissent dans une pièce que s’ils vont jouer un rôle dans l’intrigue, des éléments n’ont été incorporés que s’ils avaient un but architectural. On a l’impression d’être transporté dans les coulisses d’un théâtre puisqu’on a supprimé, pour l’essentiel, tout ce qui est confortable, comme le crépi intérieur, les couches de peinture, et cetera. L’architecture de la Zollhaus crée un fond neutre. De cette façon, on produit le plus grand effet visuel possible avec seulement quelques accessoires. Une chaise et une table suffisent pour créer une scène de salon, car le spectateur masque inconsciemment le fond sombre et complète la scène dans sa tête avec ses propres souvenirs. La robustesse du monde matériel invite subtilement les habitant·e·s et visiteur·euse·s à s’approprier le lieu. Mais y a-t-il suffisamment d’espace pour une expérience d’habitation vivante?

La ville à domicile
Dans les zones plus ouvertes au public, ce concept remporte un énorme succès. Lorsqu’on entre dans le forum depuis la cour d’entrée, un univers intérieur déploie toute sa variété. Dans le bâtiment de tête de la maison A, au sein du vestibule à trois étages, les architectes ont créé des relations visuelles entre les restaurants, l’entrée du théâtre, la réception de la maison d’hôtes et la cour intérieure. Par le biais du foyer, un généreux escalier relie la Langstrasse à la Gleisterrasse au niveau situé plus haut. Chaises, bancs, tables et guirlandes lumineuses font de cette promenade une vraie piazzetta. La frontière entre l’intérieur et l’extérieur est estompée par de généreuses ouvertures de façade. Dans l’espace intérieur, l’ambiance est aussi urbaine: c’est ici que l’on vit et que l’on travaille.

Habiter avec le bruit
Les logements de la maison B du milieu sont certes exigus, mais offrent une flexibilité surprenante dans la disposition du plan de sol. Afin de garantir le confort acoustique, le projet répond aux défis du bruit de la rue et du tram à différents niveaux. Une expertise a été réalisée pour déterminer quelles parties de façades sont effectivement touchées par ces émissions de bruit. Ainsi, les chambres à coucher ont pu être alignées sur les espaces extérieurs du côté opposé au bruit, entre les volumes et la Zollstrasse. En outre, on a fait usage d’une réglementation cantonale, autrefois en vigueur, sur les nuisances sonores dans les pièces dites «rouges». Elle permettait d’aérer un tiers des pièces d’un appartement exclusivement par des façades exposées au bruit. Contre les vibrations dues aux trains, une désolidarisation a été intégrée sous les fondations du bâtiment.

Shades of grey
Les façades des étages supérieurs semblent ambivalentes. Selon les architectes, elles doivent motiver au maximum les habitant·e·s et le quartier à interagir. Dans le bâtiment B, des «boîtes d’appropriation» ont été installées devant les fenêtres. Il s’agit de bacs à fleurs en acier qui proposent aux habi­tant·e·s de participer à l’aménagement de la façade en y plaçant des plantes ou en y attachant des guirlandes. Mais c’est à peu près tout en ce qui concerne les gestes architecturaux francs. Les murs sont constitués d’une ossature en bois. Les plaques de fibro-ciment et les fenêtres à hauteur de plafond avec des éléments métalliques galvanisés à chaud se succèdent et forment une peau. Certes, le choix direct des matériaux en réaction à la voie ferrée est compréhensible et soigneusement planifié. Mais il n’y a aucuns balcons ou loggias. Le gris, la planéité de la façade et sa structure très verticale lui donnent un aspect repoussant. Elle ne parvient que partiellement à se rattacher aux façades de la Belle Époque situées au nord, de l’autre côté de la rue, et se heurte un peu maladroitement à l’horizontalité de la voie ferrée au sud. Cela pourrait changer si de la mousse venait un jour se nicher sur les plaques d’Eternit posées à l’envers. Il y a certes des fenêtres à la française, mais leurs protections antichute en acier sont si largement proportionnées que la perméabilité optique est compromise. Les seuls espaces extérieurs que l’on peut s’approprier en tant qu’habitant·e·s sont les toitures-terrasses. La Zollhaus se présente donc comme une citadelle qui distingue clairement l’espace privé de l’espace public. Mais pourquoi? Qui est protégé de qui?

Co-construire
Dans la maison A, avec les logements situés dans les halles au-dessus du forum, des possibilités de s’approprier les interfaces vers l’espace extérieur font défaut. Ici, une cour semi-privée sert à mettre en valeur les espaces et apporte simultanément de l’air et de la lumière dans le bâtiment du bas. Ce sont toutefois ces halles qui incarnent de la manière la plus nette l’aspiration à l’espace urbain squatté, à la communauté de vie non conventionnelle. C’est à cet endroit que les habitant·e·s se construisent leur propre mini-cosmos. Le «bien habiter» devient une mission de vie, car les prestations planificatrices propres à l’architecture ont été réduites à un tout petit nombre d’éléments dans les halles. Mais habite-t-on encore en ce lieu, ou l’acte même de vivre devient-il ici une performance avant-gardiste? Une hauteur de pièce de 4,10 mètres permet d’empiler les différentes utilisations de l’espace. Les structures emboîtées les unes dans les autres suscitent la nostalgie des ruelles d’une antique cité, comme celle de Marrakech.

Expérimentation vécue
La Zollhaus constitue une contribution provocatrice au débat sur les nouvelles formes du vivre-ensemble urbain. Et le programme a été mis en œuvre de manière exemplaire et systématique par le bureau Enzmann Fischer. Sur le plan sociétal, avec cette nouvelle construction, on étudie des questions sur la mixité sociale, et sur les plus grandes marges de manœuvre possibles qui permettent de s’approprier l’espace urbain en tant qu’expérimentation vécue. Vue sous cet angle, l’expression industrielle du bâtiment n’a l’air ni recherchée, ni académique. Elle résulte du corset financier très étroit de la maîtresse d’ouvrage, et confère à la maison une robustesse qui communique clairement que ce projet peut continuer d’être développé par les habitant·e·s. Les préoccupations de la coopérative ont-elles un avenir, et peuvent-elles servir d’exemple pour la construction de logements dans les centres villes? À l’heure actuelle, la coopérative de la Zollstrasse est encore suffisamment récente et excitante pour que les habitant·e·s aient plaisir à animer cette construction avec leurs propres idées. L’avenir nous dira si cette énergie durera, et comment évoluera la cohabitation.

Texte: Marcel Hodel

Première publication: Arc Mag 3.2022

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