Bien visibles depuis le  canal maritime de Bruxelles  à l’Escaut: les messages  sur l’enseigne à lettres rétro-éclairées en attique  qui interpelle la ville. L’étage supérieur (Piano Nobile) permet d’embrasser toute la «Nave», une coursive de plus de 200 mètres de  long se distinguant par une construction à ossature en acier qui enjambe les salles d’exposition. Les nombreux espaces  ouverts au niveau du Piano Nobile sont à disposition de  la scène culturelle régionale. Telle une galerie marchande,  ils permettent aux visiteurs  de flâner et de découvrir tous les studios et les ateliers. Des cloisons de verre séparent  la grande bibliothèque et la  salle de lecture du Centre d’architecture Civa des espaces ouverts du Piano Nobile. Ceci permet de conserver la structure de l’usine et de faire vivre la générosité de tout cet espace. Une fois que l’on aura supprimé  les parkings, l’espace intérieur  du showroom, inondé de lumière, retrouvera sa spaciosité d’antan.  En tant qu’espace multifonctionnel,  il sera en dialogue constant avec  le monde extérieur.

Données du projet

Données de base

Situation de l'objet
Place de l’Yser, Willebroekkaai 6, 1000 Brüssel, Belgique
Catégorie de projet
Type de bâtiment
Achèvement
01.2023
Liens

Données du bâtiment selon SIA 416

Étages
de 6 à 10 étages
Nombre de sous-sols
2 étage
Surface utile
40'000 m²
Coûts de construction (BKP 2)
135,0 mio. CHF

Description

L’ancienne usine automobile Citroën Yser à Bruxelles se transforme actuellement en un pôle culturel et artistique multifonctionnel. L’ancienne structure constructive, qui s’orientait au processus de production fordiste, est habilement réinterprétée par le trio formé par Belges de noAarchitecten (NOA) de Bruxelles, les Suisses de EM2N de Zurich et les Britanniques de Sergison Bates Architects de Londres.

Quand la culture remplace la chaîne de montage
Construite en 1934 par les architectes belges Alexis Dumont et Marcel Van Goethem, en collaboration avec l’architecte français Maurice-Jacques Ravazé, l’usine automobile était, avec ses 16'500 mètres carrés, la plus grande de son genre en Europe. Afin de réaliser un grand espace intérieur exempt de piliers, la construction essentiellement constituée de verre et d’acier avait été conçue comme une église, avec une allée centrale et des allées latérales. Le bâtiment se coiffe d’une succession de huit toits en pente faisant un angle droit. L’exceptionnel showroom, inondé de lumière, est un véritable palais de verre avec une façade-rideau arrondie qui met en œuvre les grands principes de l’architecture de l’époque que sont l’ouverture, la transparence, la flexibilité et l’horizontalité. Des caractéristiques qui seront à nouveau visibles et mis en valeur une fois que l’on aura démonté les niveaux de parking, construits durant la Deuxième Guerre Mondiale.
L’emplacement stratégique de ce show-room ouvert sur la ville, situé à l’angle de la place de l’Yser et le long des quais du canal, mais également sa terrasse sur le toit qui dispose d’un restaurant, en feront une
véritable «cathédrale de la modernité». Ce bâtiment, autrefois synonyme du progrès technique, est aujourd’hui appelé à devenir un grand centre culturel et artistique.

Le projet architectural – cinq idées clés
Le principal défi de ce projet réside dans l’équilibre de préserver l’existant et de réaliser un espace qui offre une pléthore de possibilités. Dans cette optique, les architectes plaident pour un «optimisme radical à l’égard du parc immobilier existant», où le programme des locaux tient compte des situations spatiales. L’objectif étant de préserver au mieux la structure existante et de mettre en valeur les éléments de ce modèle de l’architecture moderniste, notamment de ses grandes façades vitrées, et de développer le caractère industriel et pragmatique du lieu. Enfin, ce projet doit également contribuer à la durabilité. Tous les événements et usages qui requièrent des conditions climatiques spéciales ou une hauteur de plafond particulière se tiendront dans trois grandes «boîtes dans la boîte». Cela concerne notamment les salles d’exposition et les archives classiques. Et c’est en présentant ce concept en 2017 au concours international d’architecture que le trio d’architectes Atelier Kanal s’est qualifié un an et 92 candidatures plus tard parmi sept équipes finalistes, dont les équipes de 51N4E / Caruso St John Architects; ADVVT (architecten de Vylder Vinck Taillieu) / AgwA / 6A; Diller Scofidio + Renfro / JDS Architects; Lhoas & Lhoas Architects/ Ortner & Ortner; Office / Christ & Gantenbein et le bureau OMA.
Le projet d’Atelier Kanal s’articule autour de cinq idées clés: donner une nouvelle vie à l’ancien showroom qui gardera sa fonction de vitrine, point de repère visible de loin.
Prévoir l’extension horizontale du bâtiment par le biais d’une écriture pixel programmable rétro-éclairée sur toute la partie périphérique en attique des ateliers de fabrication, pour établir une «communication» avec la ville. Planifier des circulations publiques à l’intérieur du bâtiment qui suivent le tracé de l’axe de l’allée centrale. Librement configurables, elles doivent relier la salle d’exposition aux anciens ateliers. L’axe est-ouest prolongera le bâtiment vers le canal maritime Bruxelles-Escaut (Willebroekse Vaart) et desservira les différents espaces. Des rampes à deux voies mèneront au premier étage. Situé au premier étage, le Piano nobile, en libre accès, fait le lien entre ces axes de liaison publiques et les trois nouvelles «boîtes» dans la boite. Il accueille un espace de production ouvert, avec une galerie marchande, un café, un printshop et des ateliers. De plus, diverses institutions, associations et artistes de la scène culturelle régionale ont la possibilité de disposer de l’espace pour entrer en contact avec le public. Cet espace libre correspond au caractère ouvert de la structure existante. Partout où une séparation des espaces s’avère nécessaire, notamment pour des raisons acoustiques, comme dans la bibliothèque du centre d’architecture Civa et les salles d’atelier, le choix est tombé des cloisons vitrées ou sèches, revêtues selon les besoins. L’espace public sera recouvert de panneaux métalliques afin de préserver le charme industriel du bâtiment.

Les trois nouveaux volumes
Le Centre Pompidou – Musée d’art moderne et contemporain – occupe le plus grand des trois volumes, avec environ 12 000 mètres carrés. Ses salles d’exposition climatisées sont réparties sur quatre niveaux et complètent les espaces existants. Avec ses quelque 7000 mètres carrés, le plus petit volume abrite le Centre d’architecture Civa, avec ses archives à l’étage supérieur et le musée au rez-de-chaussée. Le «Rassembleur», le siège administratif de l’institution opérationnelle de Fondation Kanal, abrite, outre des bureaux et des espaces de co-travail, un auditorium pouvant accueillir jusqu’à 400 personnes.
Une construction à ossature en acier enjambe les salles d’exposition, exemptes de piliers, des trois nouveaux volumes. Deux noyaux centraux, réalisés en béton coulé sur place, avec des pièces annexes, des ascenseurs et des escaliers servent de support statique. À l’intérieur, les murs sont revêtus de tuiles en terre cuite («Clayblockwork») ou de briques («Claybrickwork»). L’enveloppe extérieure des trois nouvelles structures fera l’objet d’une isolation thermique et sera recouverte d’une façade en verre opaque. Toutes les installations techniques de la «Ville de la culture» seront dissimulées dans les étages du sous-sol et sur les toits des trois volumes, de sorte à éviter des interventions majeures dans le bâtiment existant. Des modules photovoltaïques seront montés sur les toits à pignon existants.

Les premiers travaux de construction
Dès la phase de planification, des recherches approfondies ont été menées sur la structure, les surfaces et les couleurs du bâtiment. Toutes les installations, aménagements et contaminations, y compris celles du sol, en relation avec l’utilisation temporaire par le Centre Pompidou ont été éliminés. Ce prélude «Kanal Brut», de mai 2018 à juin 2019, avait marqué le début de la collaboration décennale avec la Fondation Kanal. Les travaux d’excavation et de démolition sont prévus pour 2020, y compris la sécurisation et le renforcement des anciennes fondations de pieux, une opération qui se fera en appliquant le procédé de jet grouting, une technique d’injection de sol. Parallèlement aux travaux de gros œuvre prévus pour 2021, il faudra restaurer le «mur-rideau».
L’achèvement des travaux de cet exceptionnel centre artistique et culturel, qui se caractérise par une approche dans le plus grand respect de l’existant, est prévu pour 2023. L’usage temporaire de Kanal et Centre Pompidou a permis de se forger une idée de l’usage futur et mis à jour l’impressionnant éventail de possibilités conceptuelles qu’offriront les 40 000 mètres carrés.

Surface utiles
Museum of Modern and Contemporary Art: 12'000 m²
Civa: 7000 m²
à utilisation publique: 12'000 m²
surfaces utilisées en commun: 9000 m²

Text: Petra Kickenweitz
Première publication: Magazine de la Documentation suisse du Bâtiment 2020–3

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