Bâtiment de bureaux «Gleisarena»

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8005 Zürich,
Suisse

Publié le 21 mars 2022
Made in Sàrl Bureau d'architecture
Participation au Swiss Arc Award 2022

À l’intérieur, l’espace reste simple et quelque peu banal. Le mur en briques de verre courbé amène cependant une certaine originalité. Les salles de classes sont quant  à elles baignées de lumière naturelle. La façade côté rue a  un aspect bien différent du mur courbé au sud. Répondant ainsi à une thématique plus urbaine. L’arrivée des trains en gare de Zürich est accompagnée par le nouveau mur en verre de Made in.

Données du projet

Données de base

Situation de l'objet
Zollstrasse 17, 8005 Zürich, Suisse
Catégorie de projet
Achèvement
01.2021

Données du bâtiment selon SIA 416

Étages
de 6 à 10 étages
Surface de plancher
14'000 m²
Volume bâti
50'000 m³
Coûts de construction (BKP 2)
67,0 mio. CHF

Description

Tel Janus, la Gleisarena de la gare centrale de Zurich a deux visages. Avec sa façade tramée de couleur anthracite côté ville, l’immeuble de bureaux apparaît conventionnel et cool à la fois. Le jeu régulier des saillies et retraits répond aux immeubles de bureaux et d’habitations de la belle époque. Côté voie ferrée, en revanche, la façade déploit une immense vague en verre en dialogue avec l’atmosphère du monde ferroviaire.

Tel le lit d’un large fleuve, le faisceau de voies de la gare centrale de Zurich déboule depuis la vallée de la Limmat en direction du centre-ville. Ces deux dernières décennies ont vu de plus en plus d’activités ferroviaires – liées à l’entretien du matériel roulant et au transbordement des marchandises – être retirées des gares et notamment de celle de Zurich, attirant l’attention des urbanistes et des architectes sur les terrains jouxtant les voies. À Zurich, le bâtiment de l’AVS/AI conçu par Stürm Wolf Architekten en forme d’éclair le long de la ligne de chemin de fer, non loin du passage sous-voies de la Langstrasse, était le premier signe marquant de ce changement. Plus à l’ouest, à Altstetten, un monolithe sombre en forme de stèle signé Baumschlager Eberle lui faisait peu après écho. Il marque pour les voyageurs en train l’entrée ouest de la ville, de concert avec les trois tours érigées de l’autre côté des voies par Dominique Perrault en 2018. Construite en 2011 d’après les plans de Gigon Guyer, les 126 mètres de la Prime Tower dominent aujourd’hui le flux ferroviaire, mais pour combien de temps encore? Les dernières planifications font état de tours allant jusqu’à 250 mètres de hauteur. A ce jour, la plus grande intervention reste cependant Europaallee, laquelle a vu se construire de 2009 à 2020 des bâtiments allant jusqu’à 17 étages entre la gare centrale et la Langstrasse, pour la coquette somme d’un milliard de Francs.

Entre faisceau de vois et rue
La passerelle Negrelli relie depuis 2021 Europaallee et son petit frère «HB-Nord». Le long de la Zollstrasse, de nouvelles pièces urbaines bien proportionnées se dressent sur une étroite bande autrefois occupée par des infrastructures ferroviaires. Comme à l’Europaallee, les Chemins de fer fédéraux sont propriétaires du terrain. En réaction aux vives critiques qui visaient la grande soeur et son «architecture commerciale monotone», les CFF ont ici changé de stratégie. Une parcelle a été vendue à la coopérative d’habitation Kalkbreite qui accueille depuis peu les trois volumes de la «Zollhaus» (objet d’un article dans ce même Magazine). La partie du périmètre restée aux mains des CFF faisait l’objet d’un plan d’aménagement signé agps architecture, dont les directives sont aujourd’hui incarnées au travers du complexe résidentiel tripartite «Gleistribüne» de Esch Sintzel (2019), et de la «Gleisarena» du bureau Made in. Située sur la partie étroite du site le long des voies ferrées, la Gleisarena a été llivrée fin 2021. Conçu par François Charbonnet et Patrick Heiz, le bâtiment commercial est aussi peu conventionnel dans sa forme que flexible dans son utilisation. Les deux architectes ont suivi l’enseignement de Hans Kollhoff à l’ETH Zurich, puis travaillé pour Herzog & de Meuron ainsi que Rem Koolhaas, avant de créer le bureau Made in à Genève, et de revenir à l’ETH avec la charge d’une chaire d’architecture. Dans le milieu, leurs projets de concours originaux aux allures de vaisseaux spatiaux ou de supertankers suprématistes ont toujours fait sensation. Mais au-delà d’une villa ingénieuse à Chardonne, de quelques transformations et d’une remarquable surélévation à Genève, ainsi que d’un tiercé de troisièmes rangs dans des appels d’offres à Lausanne, le premier grand projet leur a longtemps échappé. Jusqu’à ce qu’en 2013, l’interprétation originale du plan d’aménagement qu’ils proposaient pour la Gleisarena, corresponde tout à fait à l’idée que le jury du concours se faisait de la «diversité dans l’unité» architecturale. Dès le premier des deux tours du concours, le jury montrait son enthousiaste pour ce «geste urbain souverain» – mais aussi pour cette solution marquante «en tête de la Zollstrasse et le long du perron».

Vague de verre
Sur un parterre long de 130 mètres au-dessus duquel les étages dépassent largement de chaque côté, les deux volumes du bâtiment commercial à deux visages semble littéralement en équilibre. Côté Zollstrasse, une arcade sans piliers aménage un parvis quelque peu sombre mais protégé aux magasins, restaurants et autres entrées de bureaux dispatchés sur cette face. A l’angle nord-est, un unique pilier blanc massif soutient les 21 mètres du bâtiment de tête aux proportions presque cubiques. Côté rue, son enveloppe et celle de son long voisin sont constituées d’une façade quadrillée en verre et en profilés d’acier anthracite, qui rappelle les réalisations de Mies van der Rohe. La forte présence visuelle ainsi allouée au bâtiment lui permet de remplir parfaitement le vide urbain à l’extrémité du très emprunté Zollbrücke. Avec un bâtiment de la belle époque situé un peu plus en avant sur le Sihlquai, la Gleisarena s’affirme désormais comme la porte du quartier Aussersihl. Alors que la Zollstrasse, où le trafic est limité, est plutôt calme, les voies ferrées exposent le bâtiment à beaucoup de nuisances sonores. Un défi supplémentaire qui s’imposait à la réalisation déjà audacieuse de la façade tournée vers les voies ferrées: un mur de briques de verre de quatre étage en porte-à-faux s’étirant progressivement par-dessus le quai. Les briques de verre ont beau être esthétiques, elles restent un matériau problématique en termes de protection sonore et d’isolation thermique. La façade sud, unique en son genre avec une incurvation aussi bien horizontale que verticale et ses 44’000 éléments en verre coulé, thermiquement isolés les uns des autres, doit sa réalisation à un goût prononcé pour l’expérimentation. Elle démontre qu’il est possible de résoudre les problèmes techniques liés aux briques de verre, un élément constructif inventé dans les années 1880 par le Vaudois Gustave Falconnier, et qui a montré son potentiel pour la première fois en 1932 dans la Maison de verre de Pierre Chareau à Paris. La Gleisarena surclasse les constructions les plus récentes en briques de verre – du Flagship Store Hermès de Renzo Piano à Tokyo au Reception Center d’Aura Architects à Taichung – en termes constructif comme en termes architectonique.

Hybride d'architecture et d'infrastructure
Comme souvent dans le travail de Made in, cette «toiture de quai» oscillant entre infrastructure et architecture est le développement d’une idée plus ancienne. Une structure d’acier en porte-à-faux, arquée en quart de cercle vers les voies, avait été proposée en 2011 dans le cadre du concours pour le nouveau Musée Cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. La trame sombre de la façade est également une réminiscence créative, puisqu’elle a déjà été utilisée à plus petite échelle pour la villa au-dessus des vignobles, à Chardonne. Nouvellement installée dans la Gleisarena, la Fernfachhochschule Schweiz (FFHS) profite de plateaux intérieurs librement aménageables. L’atmosphère y est unique, à la faveur des fenêtres toute hauteur et de l’orientation sud-ouest du mur en briques de verre. Avec son mode constructif exceptionnel, sa logique fonctionnelle, son intégration urbaine soignée et son côté métropolitain rétro-chic mêlé de vision d’avenir, la Gleisarena est sans aucun doute le bâtiment le plus raffiné qui ait été construit ces dernières années autour du faisceau de voies ferrées à proximité de la gare. De quoi se mesurer au marquant poste d’aiguillage construit en 1963 par Max Vogt et qui domine toute la zone. Comme ce dernier, la Gleisarena est marquée par un porte-à-faux côté voie ferrée, qui découle de sa fonction, mais aussi du dialogue avec les toitures des quais de la gare centrale et avec le tunnel de la gare souterraine des S-Bahn. C’est ainsiq qu’un repère faisant le lien entre le quartier et les voies ferrées occupe désormais une interface urbaine importante.


Texte: Roman Hollenstein

Première publication: Arc Mag 3.2022

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