Holligerhof
,
Suisse
Publié le 08 août 2022
BHSF Architekten GmbH
Participation au Swiss Arc Award 2023
Données du projet
Données de base
Données du bâtiment selon SIA 416
Description
Un grand élan et beaucoup de persévérance ont permis à la coopérative Warmbächli de transformer un ancien dépôt de la Güterstrasse à Berne en un bâtiment résidentiel, en collaboration avec le bureau BHSF Architectes. Un collage d’espaces vivant est né à l’Holligerhof 8, à mi-chemin entre architecture, sociologie et écologie.
Sur la parcelle de l’ex-installation de revalorisation des déchets de Berne, un ouvrage résidentiel pouvant loger jusqu’à 600 personnes et offrant des emplois pour au moins 200 personnes devra voir le jour – tel était l’objectif du concours d’urbanisme qui a été remporté par BHSF Architectes et Christian Salewski en 2012. Leur proposition, à savoir conserver le maximum possible de la structure actuelle, a manifestement plu au jury. De l’énergie et de l’argent ont pu être économisés lors des travaux d’excavation, d’étanchéité et de génie civil. Ils ont en outre proposé de surélever un dépôt de l’entreprise Chocolat Tobler SA édifié dans les années 1960 et de le transformer en bâtiment résidentiel. Seul ouvrage de génie civil non contaminé par les odeurs et l’amiante à cet endroit, il fallait à la fois le préserver et transformer son affectation. Il constitue le cœur emblématique du quartier qui rythme le développement urbain: cette construction marquante à ossature en béton a fourni des repères pour définir la taille, la disposition et le déploiement volumétrique des cinq autres bâtiments présents sur ce périmètre. Ils comprennent une aire de détente et de parking en forme de cour: l’Holliger Hof. Sur mandat d’une coopérative d’habitation fondée entre 2013 et 2022 pour réaliser spécifiquement ce projet de grande ampleur, le bureau BHSF a transformé l’ancien dépôt de la Güterstrasse.
Continuer à bâtir en préservant l'environnement
Au nord, là où se trouvait l’ancien silo, la trame caractéristique des piliers du dépôt a été gardée, et de nouveaux planchers d’étages ont été ajoutés. Toutefois, les dalles de la structure de béton existante n’ont pas été reprises. Ici, six nouveaux étages pleins se heurtent à quatre étages existants à une hauteur sous plafond pouvant aller jusqu’à cinq mètres. Les chevauchements créent des relations passionnantes entre les espaces. On tire ainsi entièrement parti du potentiel de la structure existante surdimensionnée, en posant sur le gros œuvre en béton une ossature en bois de trois étages et dotée d’un toit-terrasse. Deux noyaux de cages d’escaliers en béton local ont été coulés au centre du bâtiment, protégeant le bâtiment contre les séismes. De plus, la dalle de fondation du troisième sous-sol a été renforcée par endroits avec une solide couche de béton allant jusqu’à 70 centimètres, de façon à bien répartir les charges qui viendront s’ajouter. Selon l’estimation de l’architecte Tim Seidel, du bureau BHSF, le bilan économique du projet restera finalement ouvert. Traiter avec soin l’existant ne reviendra sans doute pas moins cher qu’une nouvelle construction qui aurait été optimisée sur le plan économique étant donné que, pendant la crise du corona, le prix du bois a connu une forte hausse, et que l’emboîtement de tous les éléments dans l’existant nécessite des travaux de planification supplémentaires. Mais il n’en va pas de même du bilan environnemental: la structure de béton a pu être conservée à près de 80 pour cent, ce qui a permis de réutiliser 20 000 tonnes de béton. Le projet satisfait ainsi aux exigences de la «société à 2000 watts».
Rough and ready
À l’extérieur, toutes les surfaces ont été réaménagées. La gamme des matériaux reflète le passé industriel du lieu: elle se réduit à des plaques de fibrociment ondulées, à des pièces métalliques, à du crépi, et à la structure de béton existante laissée visible par endroits. L’enveloppe externe du bâtiment établit donc un «all over». De manière subliminale, les colonnes de chute du toit donnent un rythme à la construction en la subdivisant en tronçons verticaux. Quant aux trois étages supérieurs, ils reculent par endroits générant ainsi des retraits en façade. Vu depuis la rue, le bâtiment a l’air plus élevé qu’il ne l’est effectivement. Comme une jointure, une corniche métallique subtile marque l’endroit où les nouveaux étages en bois ont été posés sur l’ancienne construction. Sur le toit-terrasse, des panneaux photovoltaïques produisent de l’électricité destinée à la propre consommation et donne à la composition un effet similaire à un bord de toiture.
L’apparence de la façade donne habilement l’impression d’osciller entre caractère industriel et habitation. La composition ludique des ouvertures de façades rappelle notamment les projets du Mouvement moderne des architectes milanais Asnago et Vender. Des formats horizontaux et verticaux alternent, reflétant au mieux la double affectation de l’ouvrage: habitation et atelier. Les structures d’acier des balcons posés en saillie font vivre le bâtiment. Utilisés avec parcimonie, des zones colorées aident à souligner l’habitabilité, mais sans perdre pour autant le caractère brut de l’esthétique industrielle. Pulvérisées avec des couches de jaune citron, des surfaces de fenêtres en bois-métal contrastent avec les plaques de fibrociment grises. Enveloppés de céramique rouge, les piliers renforcent la lisibilité de l’adresse du côté cour, signalant la loggia comme entrée principale. Ils encadrent symboliquement la vie qui se déroule à l’Holligerhof. Les habitant·e·s sont placé·e·s au centre de l’attention alors que la façade passe en second plan. Les différents matériaux s’harmonisent bien, et les chevauchements confèrent à la façade un effet d’ornement qui a l’air d’aller de soi.
L’existant participe à la création
Si les interfaces entre passé et modernité ne sont qu’évoquées dans la façade, elles deviennent un motif visuel dominant à l’intérieur. La transformation embrasse et pénètre la structure existante. Des parois peintes en couleurs pastel et des surfaces en béton brut définissent les pièces. Des passages de conduites visiblement mis en évidence ornent les panneaux de plafond, et le plancher industriel sans jointures reflète profondément la lumière à l’intérieur du bâtiment. Les espaces se nourrissent de la superposition de la structure existante et des interventions qui semblent être le fruit du hasard. Des graffitis de l’époque où le dépôt était vide, et où il était utilisé en tant qu’atelier, ont été conservés. Le but n’était pas d’amménager de nouvelles pièces, mais au contraire de rendre les pièces existantes efficaces en procédant au plus petit nombre d’interventions possibles. Dans de nombreux endroits, on peut encore percevoir directement l’ancienne construction. Le collage des matériaux fonctionne bien: il signale que la maison est ouverte à son appropriation par les habitant·e·s.
Entre modernisme et confort
L’amménagement intérieur reprend les principes du «Plan libre» grâce à la forte capacité porteuse des planchers en béton existants qui a permis d’agencer librement les cloisons légères.
L’entrée se trouve dans le souterrain qui se dessine comme un entresol en raison de la différence de six mètres de niveau de terrain qui existe du côté sud. Devant l’entrée principale s’étend une loggia de 40 mètres de long qui fonctionne comme une terrasse publique. Une rampe conduit à l’intérieur de la maison dans un atrium à plusieurs étages qui peut être emprunté par les utilisateur·trice·s des ateliers et des espaces communautaires et commerciaux environnants. Un escalier permet de monter au rez-de-chaussée. C’est là que se trouvent les logements menant à la cour, et la surface commerciale menant à la rue. Les unités d’habitation restantes ont été disposées chacune dans les six étages supérieurs autour d’une figure centrale d’aménagement: une zone de corridors qui relie les deux montées d’escaliers aux étages d’habitation. La lumière naturelle pénètre à travers trois jours zénithaux dans la cage d’escaliers aux proportions généreuses, et elle traverse un puit central entrant profondément à l’intérieur du bâtiment. Au troisième étage supérieur, un salon-laverie a été intercalé en tant que lieu de rendez-vous entre les étages, et un jardin entretenu en commun par les habitant·e·s a été placé sur le toit-terrasse.
Habiter autrement
La coopérative se présente en étant consciente de sa propre valeur, et le bâtiment reproduit son engagement social à multiples facettes. Avec son projet, elle encourage aussi des formes d’habitat expérimentales. Ainsi, on trouve dans le bâtiment des logements de petite taille, des communautés d’habitation pour personnes âgées, des logements clusters pouvant aller jusqu’à 14 pièces, et des logements familiaux.
Le concept structurel des étages extrêmement hauts a été renforcé de manière intelligente dans les logements. Des boîtes blanches abritent les zones privées comme les salles de bains et les chambres à coucher. Les habitant·e·s pourront s’approprier individuellement les surfaces disponibles sur ces chambres-coffrets à une date ultérieure.
L’aménagement de base offre un panorama d’espaces à plusieurs niveaux. Il a l’air abstrait et démesuré, car ses dimensions s’écartent des normes habituelles pratiquées dans la construction de logements. Mais quelle est la taille réelle de ces cubes? Rien que les installations en applique donnent déjà une certaine idée de leurs dimensions. Des cuisines ouvertes avec des tablettes en bois laminé et des parois arrière en carreaux de grès cérame colorés donnent un caractère habitable à ces halls qui, sinon, seraient réalisés de manière plutôt spartiate.
L’Holligerhof de Berne est une structure qui offre une grande diversité d’espaces. La construction paraît être un dispositif expérimental et n’a guère de points communs avec le mode de construction classique des lotissements résidentiels tel qu’on le connaît généralement. Le caractère exceptionnel de la performance de cette architecture réside dans le fait qu’en dépit d’une situation initiale compliquée, on perçoit la maison comme une unité – comme un projet cohérent.
Texte: Marcel Hodel
Première publication: Arc Mag 4.2022
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