
Instandsetzung Kongresshaus und Tonhalle
,
Suisse
Publié le 03 janvier 2022
Diener & Diener Architekten AG + Martin und Elisabeth Boesch Architekten
Participation au Swiss Arc Award 2022
Données du projet
Données de base
Données du bâtiment selon SIA 416
Description
La Kongresshaus et la Tonhalle – maison des congrès et salle de concert – de Zurich ont retrouvé leur beauté d’autrefois. Les aménagements intérieurs encombrants ont été supprimés, permettant de remarquer à nouveau avec quelle habileté Haefeli, Moser et Steiger ont su harmoniser le fonctionnalisme des années 1930 et des éléments décoratifs et représentatifs.
En entrant dans la grande salle de la Tonhalle de Zurich, on ne peut ignorer la magie de cette œuvre dans sa globalité. Elle formait initialement le cœur de l’ensemble de la Tonhalle réalisé en 1895 par le bureau d’architecture viennois Fellner & Helmer. Côté lac, une salle de musique flanquée de deux tours pittoresques en faisait également partie. Cette composition excentrique, dont le nom a été emprunté à son célèbre modèle parisien, le Trocadéro, a marqué le point culminant de l’aménagement des rives du lac de Zurich au cours du XIXe siècle, avec ses villas, ses palais résidentiels, ses établissements culturels et ses hôtels.
Pour les adeptes du Neues Bauen, cet alignement de bijoux historiques était une horreur. Ils détestaient particulièrement le Trocadéro flanquant la Tonhalle. À leurs yeux, il devait faire place à une maison des congrès moderne, réalisée par la suite à l’occasion de l’exposition nationale organisée en 1939 sur les rives du lac. La démolition du Trocadéro, important témoin de l’architecture fin-de-siècle, qui illustre bien le rapport problématique au bâti historique subsistant jusqu’à ce jour à Zurich, a été une grande perte, qui a toutefois été compensée par un chef-d’œuvre dont les éléments décoratifs et plaisants ont su transformer un fonctionnalisme épuré en une architecture dynamique et pleine d’émotions, annonçant le style des années 1950.
Imbrications de l’architecture et de la nature
Le concours d’architecture de la Kongress-
haus lancé en 1936 recommandait aux architectes qui y participaient de conserver la Tonhalle en raison de sa célèbre acoustique et de réaliser le programme comprenant la salle de la Kongresshaus, un restaurant, l’administration et des salles de répétition sur la partie de la parcelle située du côté du lac. Les jeunes architectes zurichois qui remportèrent le concours – Max Ernst Haefeli, Werner Max Moser et Rudolf Steiger – ont remplacé le Trocadéro par une forme en L, qui longe sur deux côtés une salle de jardin de plain-pied sur laquelle se trouve une terrasse panoramique. Cette salle jardin abritant des structures de congrès était initialement séparée de la zone d’entrée de la Kongresshaus – le «vestibule» – par un jardin intérieur vitré, agrémenté de plantes méditerranéennes, d’un plan d’eau et de sculptures en forme de table de Paul Speck, qui rappelaient les œuvres de l’architecte paysagiste brésilien Roberto Burle Marx.
Un espace de circulation organisé sur deux niveaux, que Haefeli Moser Steiger ont divisé en deux foyers pour la Tonhalle et la Kongresshaus avec une paroi semi-transparente et un lanterneau mis en scène comme jardin d’hiver tropical, relie la Tonhalle et la salle de la Kongresshaus – avec vue sur le lac et les montagnes – et place l’imbrication visuelle de l’architecture et de la nature au centre du projet. En même temps, les galeries de la salle de la Kongresshaus et du foyer, portées par des piliers en forme de colonne, renvoient à la grande salle de la Tonhalle. Les ornements excessifs de cette-dernière ont été adaptés avec un glacis gris beige au nouveau bâtiment, dont les murs recouverts d’un sgraffite tissé et les lampes florales établissaient un dialogue sensuel avec le bâti historique.
En alliant une construction fonctionnelle, une mise en œuvre décorative de matériaux de valeur et des ornements légers et aériens, les architectes sont parvenus à associer harmonieusement les salles opulentes de la Tonhalle au nouveau bâtiment lumineux, et à éveiller des émotions du public et créer un sentiment de communauté. Haefeli Moser Steiger, qui avaient réalisé peu avant des maisons d’une modernité radicale pour la Werkbundsiedlung Neubühl, ont éclipsé, avec leur agrandissement subtil
et innovant d’un bâtiment historique, des bâtiments représentatifs et modérément modernes tels que les bâtiments administratifs et la société d’assurance des frères Pfister, dont les formes classiques et les matériaux de qualité plaisaient au public de l’époque.
Irritations architecturales
Les façades en verre du foyer de la Tonhalle et de la salle de la Kongresshaus, côté lac, avaient une importance particulière. Les architectes les ont rythmées avec des lésènes en pierre, qui donnent à l’ensemble, vu depuis l’Utoquai, l’apparence d’une acropole moderne avec ses escaliers arrondis en cascade. Étonnamment, le long de la Beethovenstrasse, les architectes ont enveloppé cette architecture de temple abstraite dans un enchaînement de différentes façades, à la façon des immeubles contigus traditionnels totalement démodés à l’époque. Des balcons rappellent les immeubles résidentiels voisins à l’allure de châteaux, et les fenêtres évoquent des bâtiments d’usine sobres, tandis que, plus en retrait, une paroi en verre avec des cactus à caractère picturale et un baldaquin d’entrée transparent recadrent un bloc rationaliste massif avec des balcons Bauhaus et un bandeau perforé de fenêtres.
Cette composition pittoresque, mais peu équilibrée du point de vue architectural et la transition abrupte entre celle-ci et la maçonnerie historique de la Tonhalle sont en contradiction avec les aménagements intérieurs conçus avec attention. Voilà qui a suscité quelques irritations, qui étaient peut-être à l’origine du peu d’estime témoignée temporairement à la Kongresshaus, conduisant aux aménagements intérieurs incompréhensibles des années 1980. En même temps, la vue de la terrasse panoramique a été barrée par une salle panoramique massive. Il ne restait qu’un fade labyrinthe, dans lequel seules la grande salle de la Tonhalle et la salle de la Kongresshaus se distinguaient du reste.
Il n’est donc pas surprenant qu’une nouvelle maison des congrès ait été réclamée haut et fort. Le concours lancé en 2005 échauffa néanmoins les esprits, car l’ensemble, qui avait pris de l’âge, était toujours considéré par certains cercles d’amateurs comme un jalon de l’architecture de l’exposition nationale, réunissant harmonieusement progrès et tradition. Son remplacement prévu par le projet sculptural et abstrait de Rafael Moneo, vainqueur du concours, a été justifié par le président du jury Peter Zumthor, qui ne voyait probablement que les incohérences et les discontinuités de la Kongresshaus, par le fait qu’elle ne marquait pas de point fort et restait facilement inaperçue. En 2008, les électeurs firent fort heureusement échouer la vision de Moneo. De nouveaux emplacements ont été recherchés, sans toutefois obtenir de majorité. Le gouvernement de la ville décida finalement de rénover la Tonhalle et de relancer la Kongresshaus à l’aide d’un agrandissement au niveau de la salle jardin, d’un restaurant pavillonnaire et d’une importante mise à niveau technique.
Plus bel édifice culturel de Zurich
Sur la base d’une étude de faisabilité de 2013, cette tâche difficile fut confiée au groupe de travail Boesch Diener réunissant Elisabeth et Martin Boesch, Roger Diener et l’ingénieur civil Jürg Conzett. Ils ont réussi à rendre à l’ensemble sa beauté de l’époque et cette «modernité fraîche et audacieuse» avait déjà inspiré le critique d’architecture Peter Meyer en 1939.
En coopération avec le service de conservation des monuments, ils ont restauré l’état polychrome initial de 1895. Contrairement à l’avis de Haefeli Moser Steiger, les salles débarrassées de leur voile gris sont en harmonie avec les enfilades lumineuses de la Kongresshaus, qui jouit à nouveau d’une vue dégagée sur le paysage. Depuis la salle de la Kongresshaus et le nouveau restaurant pavillonnaire parallèle à celle-ci, la vue du lac et des montagnes est bien encadrée. Ce pavillon soigneusement conçu s’avère néanmoins problématique. En effet, tout comme la salle panoramique d’autrefois, il perturbe la perception depuis le lac, l’acropole moderne d’alors n’étant, aujourd’hui aussi, que partiellement visible dans son ensemble.
Dans le foyer, les anciens axes visuels ont été reconstitués comme dans le vestibule de plain-pied, qui s’étend à nouveau de la porte principale de la Claridenstrasse jusqu’à la Beethovenstrasse. Hélas, le jardin intérieur initial n’a pas été reconstruit, mais réduit à une cour intérieure agrémentée d’une maigre verdure composée par Vogt Landschaftsarchitekten, au profit d’un agrandissement de l’espace de la salle jardin. Au moins, le vieux pin noir du quai du Général Guisan n’a pas été abattu pour l’agrandissement. Par contre, fait incompréhensible à l’époque du changement climatique, aucun arbre n’a été planté devant la façade, initialement bordée de haies le long de la Claridenstrasse, ni sur la grande surface goudronnée. Il s’agit néanmoins de détails sans importance si l’on considère que la rénovation et l’agrandissement exemplaires de Boesch Diener ont restauré les qualités architecturales, décoratives et intérieures initiales et ont fait de la Kongresshaus ce qu’elle a déjà été: le plus bel édifice culturel de la ville.
Texte: Roman Hollenstein
Première publication: Arc Mag 1.2022
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