Steib Gmür Geschwentner Kyburz Partner – un équilibre entre individualité et communauté

Publié le 25 juin 2025 par
Roman Hollenstein

Avec la construction récente des Tiny Homes de Zollikerberg, Steib Gmür Geschwentner Kyburz ont pu mettre mettre en œuvre leurs connaissances et démontrer leur savoir-faire en matière de nouveaux types de logements compacts mais confortables et offrant néanmoins une spatialité généreuse. Pièces en double hauteur, espaces extérieurs variés et géométrie partiellement orthogonale sont les bases d’une petit quartier offrant une très grande diversité de logements et dont se dégage une atmosphère vacancière.

Pour que les petits appartements paraissent plus grands, chacun dispose d’un grand espace extérieur. Dans la mesure du possible, les appartements ont été reliés au hall souterrain existant par des escaliers. | Photo: Roger Frei

Pour que les petits appartements paraissent plus grands, chacun dispose d’un grand espace extérieur. Dans la mesure du possible, les appartements ont été reliés au hall souterrain existant par des escaliers. | Photo: Roger Frei

Pour que les petits appartements paraissent plus grands, chacun dispose d’un grand espace extérieur. Dans la mesure du possible, les appartements ont été reliés au hall souterrain existant par des escaliers. | Photo: Roger Frei

Les Tiny Houses sont tellement en vogue que l’on oublie souvent qu’elles font à peine mieux que les maisons individuelles en termes de consommation de terrain, d’infrastructure et d’aménagements extérieurs. Le concept est bien plus probant lorsqu’elles sont assemblées les unes contre les autres et développées en hauteur, au risque de devenir des bâtiments de studios sommes toutes classiques et aux limites bien connues. Les studios, ou plus justement Tiny Flats, ne jouissent généralement pas d’un accès extérieur direct et peuvent ainsi rapidement donner un sentiment d’étroitesse. Il faut également tenir compte du fait que les célibataires, qui représentent le plus grand groupe de locataires en Suisse, occupent en moyenne une surface habitable d’environ 80 mètres carrés, soit au moins deux fois plus que les personnes cohabitant avec plusieurs personnes, en ménage ou sous d’autres formes. Comment améliorer cette situation, alors que les petits logements constituent un moyen de lutte contre la pénurie du logement et la consommation de terrain? Un défi taillé sur mesure pour la créativité architecturale.

Au-delà des aspects pragmatiques en faveur d’une réduction de la consommation des surfaces habitables, les petits logements de 25 à 60 mètres carrés sont un investissement immobilier intéressant offrant une meilleure rentabilité et se démarquant du secteur problématique des meublés ou des Airbnb. Ils répondent en plus aux besoins de jeunes adultes en quête d’un premier logement, aux expatrié·e·s ou aux personnes âgées désireuses d’habiter dans un espace plus réduit. Pour toutes ces raisons, les petites unités disposant d’installations intégrées et de rangements multifonctionnels, comme c’est le cas d’une Tiny House, sont particulièrement recherchées. Construit en 2016 à Opfikon dans le Glattpark, le bâtiment MIN MAX conçu par les architectes du bureau EMI posait les bases de ce trend à Zurich. L’ensemble propose différents types de petits logements d’environ 40 mètres carrés chacun, accessibles depuis l’extérieur par des coursives côté cour. Et EMI a poursuivi dans cette voie avec la construction, à Zurich en 2022, de la Maison Performative: une version améliorée des Tiny Flats grâce à sa modularité spatiale, des plans organisés en éventail, des parois pivotantes et des podiums intégrant de grands rangements.

1er étage | Plan: Steib Gmür Geschwentner Kyburz Partner
2ème étage | Plan: Steib Gmür Geschwentner Kyburz Partner

​ Situation ​

Rez-de-chaussée | Plan: Steib Gmür Geschwentner Kyburz Partner

Rez-de-chaussée | Plan: Steib Gmür Geschwentner Kyburz Partner

Un espace ouvert aux innovations

Ces deux bâtiments répondaient à des commandes de Uto Real Estate Management AG (Utorem), un investisseur immobilier connu dans le monde architectural pour l’organisation de concours encourageant le développement de «solutions de logement ménageant les ressources pour le segment croissant des ménages d’une seule personne» – et profitables en termes de ren­dement financier. Acquise en 2017 par Utorem, la parcelle de 3800 mètres carrés qui nous intéresse est située à l’ouest de Zollikerberg – commune limitrophe de Zurich – à proximité de l’arrêt de S-Bahn Waldburg, entre la Forchstrasse et la lisière de la forêt.

es Tiny Homes sont situées à côté d’une forêt, à la limite de l’agglomération de Zollikerberg et à proximité d’un arrêt de train de banlieue. | Photo: Patrick Gmür
Photo: Patrick Gmür
​ Situation ​

Vue de la cour intérieure des Tiny Homes. | Photo: Patrick Gmür

Vue de la cour intérieure des Tiny Homes. | Photo: Patrick Gmür

Utorem avait prévu d’y construire de petits appartements d’une surface habitable moyenne inférieure à 54 mètres carrés et offrant un maximum d’intimité. L’offre devait s’adresser à des nomades professionnels, seul-es ou en couple, mais aussi à des personnes âgées. Déjà existant et occupant une majeure partie de la parcelle, le parking souterrain et ses cinq mètres de hauteur devait être conservé pour des raisons à la fois économiques et environnementales. Et c’est un bureau zurichois, Steib Gmür Geschwentner Kyburz, qui remportait le concours organisé par Utorem. Habitué à travailler dans différentes constellations, SGGK s’est fait un nom avec des immeubles de logement aux façades toutes plus originales les unes que les autres, et aux plans aussi innovants que conviviaux. Trois réalisations zurichoises méritent d’être à ce stade citées: construit en 2016, l’immeuble d’habitation à la Paul-Clairmont-Strasse, caractérisé par une spectaculaire façade de balcons; la tour Hardturm-Park, ensuite, avec ses fenêtres en bandeau dansant construite en 2013, et pour finir, l’ensemble Binz 111, construit en 2018 pour les étudiant·e·s et employé·e·s de l’hôpital universitaire, dont les couleurs et les arcades surdimensionnées révèlent des influences milanaises. L’aspect dynamique de ces bâtiments, déjà, laisse présager d’appartements et de plans très variés. À titre d’exemple, l’immeuble Binz 111 dispose de 40 vastes clusters de colocation et de 272 studios d’environ 25 mètres carrés et tous équipés de kitchenettes, salles de bains, niches et fenêtres à la française élargissant leur spatialité intérieure.

Petits logements et urbanisme

Abordant le concours d’Utorem avec l’expérience du logement de petite taille, SGGK y a vu un terrain d’expérimentation idéal pour leur quête d’un petit logement adapté à la vie quotidienne, confortable et offrant un «sentiment d’habitat maximal». L’agencement habile de Tiny Homes très différents les uns des autres a permis aux architectes de placer 38 unités à deux étages et un atelier sur un terrain qui, dans le cadre d’une utilisation traditionnelle, pouvait accueillir environ six maisons individuelles ou deux petits immeubles collectifs. Les unités sont réparties entre quatre volumes différents: deux parallélépipèdes, un prisme triangulaire plat et un long corps de bâtiment affirmant la présence de l’ensemble sur la Forchstrasse à la manière d’un mur. Cette organisation permettait aux architectes de respecter l’échelle du tissu bâti environnant, tout en introduisant l’idée de structure villageoise pour organiser l’ensemble et ses petits logements.

Le toit offre un bel espace aux appartements de l'étage supérieur. | Photo: Roger Frei

Le toit offre un bel espace aux appartements de l'étage supérieur. | Photo: Roger Frei

Le toit offre un bel espace aux appartements de l'étage supérieur. | Photo: Roger Frei

Construits sur le garage accueillant désormais le parking et les rez inférieurs des appartements en parterre, les quatre volumes définissent d’est en ouest une ruelle principale qui relient deux petites places arborées. Trois chemins relativement courts mènent ensuite aux patios et aux jardins arrières verdoyants qui servent d’accès aux appartements du rez-de-chaussée des trois maisons situées au sud. Des murs protègent des regards et encadrent des espaces extérieurs ne renvoyant jamais l’idée d’étroitesse ou de densité malgré l’apparente compacité bâtie. La composition des murs, des escaliers et de passerelles tortueuses – par lesquels on accède aux appartements des étages supérieurs – crée un environnement presque méditerranéen. D’abord envisagée par les architectes et finalement abandonnée par la maîtrise d’ouvrage pour des raisons d’entretien, la végétalisation des murs de béton à l’aide de plantes grimpantes aurait participé à créer une atmosphère semblable à celle dont on profite en parcourant la cité Halen de l’Atelier 5, près de Berne.

Halen a d’ailleurs été une source d’inspiration pour SGGK. Tout comme a pu l’être l’architecture japonaise – des constructions dans le style traditionnel Sukiya jusqu’aux dernières mini-habitations de Tokyo – pour sa réduction, son ordre et sa légèreté. La petite échelle de l’ensemble, le béton joliment travaillé, l’empilement toujours différent des niveaux, le paysage aux accents cubistes des toitures rappelant les étoiles d’un origami, le gris clair omniprésent – expression de calme et d’élégance au Japon – ainsi que les tôles de façade qui rappellent les tissus plissés d’Issey Miyake, sont autant d’échos à cette inspiration japonaise. Une remarque peut-être: un traitement en couleurs de l’arrangement dramatique des toitures aurait souligné le thème de la cinquième façade – ce qu’une axonométrie publiée par SGGK suggère d’ailleurs – et conféré une vitalité supplémentaire au lotissement situé à l’entrée de Zollikerberg.

Simplicité et diversité

On devine la richesse spatiale des logements à la lecture des toitures sculpturales, des lucarnes losangées et des terrasses découpées dans la masse. On accède aux différents logements par trois escaliers et deux passerelles enjambant la ruelle principale. Coiffé d’une toiture à pan unique légèrement incliné, le bâtiment allongé au nord de la rue principale abrite des logements à un étage. Leurs cuisines et séjours sont placées en pignon et éclairées par des lucarnes et des fenêtres sur rue. Des chambres profitant du calme de la ruelle centrale complètent le programme spatial. Elles sont accessibles de l’extérieur par des passerelles et des balcons murés qui ressemblent à des patios. Placés aux étages supérieurs des trois autres volumes, six duplex relativement grands – environ 70 mètres carrés de surface habitable chacun – surprennent par une diversité d’aménagement encore plus grande, fruit d’un jeu de lumière et d’espace orchestré par des escaliers, des angles de cloisons saillants, des plafonds pliés et des pièces imbriquées ou croisées en diagonale.

Les 40 appartements ont une superficie moyenne de 54 mètres carrés. | Photo: Roger Frei
Le loyer des studios de 1,5 pièce s’élève à 1870 CHF par mois. Le plus grand appartement en duplex a 83 mètres carrés et coûte CHF 3990 par mois. | Photo: Roger Frei
​ Situation ​

Au deuxième étage, les espaces s’élargissent vers le haut de multiples façons grâce à un paysage de toit différencié. | Foto: Roger Frei

Au deuxième étage, les espaces s’élargissent vers le haut de multiples façons grâce à un paysage de toit différencié. | Foto: Roger Frei

Les rez-de-chaussée de ces trois bâtiments abritent en tout et pour tout onze appartements traversants de 2,5 pièces orientés est-ouest. Placée au tiers du plan, une kitchenette et la salle de bain séparent le salon et la salle à manger de la chambre à coucher. Jouxtant la baie vitrée donnant accès au patio, un escalier dessert une pièce supplémentaire au sous-sol qu’un puit de lumière ménagé dans le patio éclaire. Particulièrement intriguante, cette pièce supplémentaire peut être utilisée comme walk-in closet, bureau, salle de loisirs, salle multimédia, voire comme chambre à coucher. Les appartements de 2,5 et 3,5 pièces situés au rez-de-chaussée de la longue barre rythmant la rue principale par des saillies et des retraits sont encore plus variés du point de vue de l’expérience spatiale, et l’on peut parfois y percevoir des réminiscences des case studies californiennes.

Salles de bains dans les appartements | Photo: Roger Frei
Photo: Roger Frei

Malgré des surfaces comprises entre 50 et 60 mètres carrés, les logements recèlent de réels lieux de retrait individuels et spacieux. Ils sont étroitement liés à la structure villageoise de l’ensemble grâce à la présence de jardins privés, de patios et d’escaliers. Patrick Gmür constate d’ailleurs que la «densité sociale du voisinage» créée offre aux habitant·e·s une «voie médiane entre anonymat et communauté», dans laquelle chacune et chacun est à même de choisir sa place.

Au contraire du lotissement Heuwinkel, réalisé en 2021 par SGGK à Allschwil et qui possède à l’heure actuelle les plus grandes façades photovoltaïques de Suisse dans le secteur du logement, les Tiny Homes de Zollikerberg ne sont pas équipées de panneaux photovoltaïques, mais sont raccordées au réseau de chauffage urbain, ce qui constitue une solution pour le moins intéressante du point de vue environnemental. Les formes expressives des toitures auraient d’une part compliquée la réalisation d’une cinquième façade énergétique, et les aspects écologiques, d’autre part, n’étaient pas au centre d’un projet pour lequel il s’agissait «en expérimentant et en remettant en question les conventions, d’innover en termes de diversité spatiale et de formes d’habitat pour offrir aux habitant-es une forme d’évasion entre leurs quatre murs». Pari réussi!

​ Situation ​

Photo: Boris Haberthür

Photo: Boris Haberthür

Le texte a été écrit par Roman Hollenstein pour le Swiss Arc Mag 2025–3/4 et traduit en français par François Esquivié.

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