Données du projet
Données de base
Données du bâtiment selon SIA 416
Description
Micropole ou île?
Le secteur de développement Luzern-Süd se trouve au point de rencontre entre Lucerne, Kriens et Horw. Les bandes dessinées par le bâti sont principalement constitués de commerces et d’industries construits dans les années 1970. Les nombreux chantiers montrent toutefois que cela est en passe de changer. Coup d’œil sur Mattenhof I, l’un des premiers sites nouvellement construits promis à devenir un nouveau centre
Eichhof, Nidfeld, Schlund, Mattenhof – les quatre nouveaux quartiers qui composent Luzern-Süd sont en lien avec leur passé: une brasserie, des marais et des champs verdoyants. Aujourd’hui, le trajet en bus d’un quart d’heure depuis le centre-ville de Lucerne en direction de Horw longe un terrain vague, passe à côté d’un échangeur autoroutier avant de dépasser les vestiges de ce qui était jadis une importante brasserie. Apparaît ensuite le premier garage automobile, suivi d’excavations récentes qui alternent avec des concessionnaires de voitures et des stations service. Au sud, un grand signe s’élance dans le ciel et marque la fin de la zone d’activités, ainsi que la présence d’un McDonald. De l’autre côté du giratoire se dresse un nouvel immeuble de 15 étages qui est le point de départ du lotissement Mattenhof I livré en 2019. C’est ici, à mi-chemin entre le centre-ville lucernois et les rives du lac à Horw, que le nouveau centre du secteur Luzern-Süd doit sortir de terre. Les zones de Horw Mitte et Horw See, situées plus au sud, en font également partie. Même si les électeurs des communes de Kriens et Horw avaient clairement rejeté une fusion avec la ville de Lucerne il y a plus de dix ans, les trois localités faisaient rapidement le constat que la fusion, si elle ne se réaliserait pas au niveau politique, était sur le point de se réaliser au niveau spatial. Elles lançaient donc en 2012 un mandat d’étude visant à développer un concept de développement territorial commun. Celui-ci prévoit la création d’un quartier urbain tout autour du Mattenhof.
Devenir une ville prend du temps.
«Micropole Mattenhof» – nom qu’a donné la maîtrise d’ouvrage Mobimo à l’ensemble situé entre la Nidfeldstrasse et la station de S-Bahn Kriens Mattenhof – est un des premiers périmètres de grande dimension à être densifié dans Luzern-Süd. Il est aussi le fruit d’un mandat d’étude remporté en 2008 par le bureau lucernois Scheitlin Syfrig Architekten, suivi de onze années de planification. Mauritius Carlen, membre de la direction, précise que «le projet a beaucoup évolué durant cette période». Les directives générales du concept de développement ainsi que l’accompagnement par un collège d’experts ont notamment conduit à diverses adaptations: «À l’origine, la tour devait se trouver au centre du site. Aujourd’hui, elle met l’accent sur le giratoire et donc sur l’un des principaux axes de desserte.» Cinquante mètres d’une façade soigneusement conçue, combinant des éléments en béton suspendus et des garde-corps métalliques aux reflets dorés, s’élèvent dans le ciel. Et Carlen d’ajouter: «À l’époque, nous considérions cette hauteur comme la limite de ce qui était supportable en termes d’urbanisme.» Depuis, la Pilatustower et ses 110 mètres est en cours de construction sur la parcelle adjacente Mattenhof II, soit plus du double de la hauteur du Mattenhof I. Même sans cette comparaison, le complexe de cinq immeubles semble relativement petit et compact. Il abrite 129 appartements, 160 chambres d’hôtel et plus de 23 000 mètres carrés de surface commerciale, dont 4000 mètres carrés de commerce de détail. Des ruelles asphaltées se faufilent entre les bâtiments de quatre à huit étages et se rejoignent au centre sur une place. Le vide qu’il y règne par un froid matin d’hiver est sidéral. Seuls les parasols des terrasses de restaurant adjacentes indiquent que l’endroit devrait être plus animé lorsque les jours se réchaufferont. «On ne peut pas simplement construire un nouveau centre, l’inaugurer et espérer qu’il fonctionne dans la foulée», explique Carlen. «Les gens doivent d’abord s’approprier le nouveau lieu et cela nécessite du temps.» Difficile cependant de deviner sous quelle forme cette appropriation aura lieu. L’asphalte s’étend jusqu’aux entrées des immeubles; pas de traces non plus d’espaces semi-publics. Les architectes auraient également souhaité davantage de zones de transition protégées des intempéries et d’espaces de rencontre. Leur projet initial prévoyait de nombreuses arcades au rez-de-chaussée. Deux pans de façade seulement en sont aujourd’hui pourvus. Ailleurs, elles ont dû céder face à des surfaces de vente au détail en croissance. On cherche également en vain des lieux où les enfants pourraient jouer, ou un espace vert. La majorité des auteurs de projets à Luzern-Süd semblent se contenter de faire référence au tout proche Allmend lorsqu’il s’agit d’espaces verts et de détente.
Prémices modifiés
Outre les trois groupes d’arbustes dans la cour, une rangée d’arbres borde la limite nord et la limite sud de la parcelle. Le plus grand espace libre se trouve à l’est, où une place bordée d’arbres forme une esplanade publique en direction de la gare. Le fait que les arbres s’alignent sur les bords d’une parcelle presque entièrement imperméabilisée n’est pas un hasard: malgré la bonne desserte des transports publics, le sous-sol est occupé par un parking souterrain de 131 places. En plus de rendre impossible la plantation de grands arbres sur le site, celui-ci a également posé un défi aux architectes: «L’ensemble du quartier devait respecter la trame du parking souterrain», explique Carlen. «Construire cinq bâtiments différents par-dessus n’était pas une tâche facile.» L’équipe a néanmoins tenu à donner à chacun des cinq volumes une expression qui lui est propre. Ils se distinguent ainsi par leurs couleurs et leurs matériaux, mais présentent également des points communs comme une zone de socle lisible ou des teintes terreuses.
Les derniers clients savourent leur petit-déjeuner derrière les grandes fenêtres au rez-de-chaussée de l’Holiday Inn. Pour les touristes d’outre-mer, l’emplacement devrait être un camp de base idéal pour leurs excursions: Avec le S-Bahn, ils peuvent rejoindre la vieille ville de Lucerne en quatre minutes seulement. Depuis leur chambre d’hôtel, ils ont une vue magnifique sur le Pilatus. Mais ils risquent eux aussi d’être surpris par la micropole: elle est micro, mais est-elle ville? Quinze années se sont écoulées depuis le mandat d’étude pour le Mattenhof. Rétrospectivement, Carlen fait remarquer qu’un tel projet se présenterait probablement différemment aujourd’hui: «Entre-temps, les questions relatives à la communauté sociale ont un poids plus important. Il faut des espaces que les riverains puissent s’approprier afin qu’elle puisse se développer», il en est persuadé. Ce que les personnes extérieures ne voient pas: sur les toitures de la tour ainsi que d’un autre bâtiment, des terrasses sont à la disposition de tous les locataires. Ces derniers, les «Mattehöfler» comme on les appelle, ont par ailleurs déjà fondé une association de quartier. L’intérêt pour la participation semble donc être présent, et les nombreux chantiers ne laissent aucun doute sur les changements à venir dans le quartier. Mais il devrait encore s’écouler quelques années avant que Luzern-Süd ne devienne un jour «urbaine, créative et durable», comme on peut le lire sur le site internet de promotion du nouveau quartier. L’exemple de Mattenhof montre qu’il faut pour cela poser et imposer aux différents projets certaines exigences de qualité. La participation active des nouveaux habitants du quartier à la création de leur environnement nécessite l’existence d’espaces qui le permettent. Parallèlement, un tel projet suppose que les affectations complémentaires prévues dans le masterplan, telles que les espaces verts ou les bâtiments publics, soient réalisées en temps voulu. La micropole risquerait sans cela de devenir non pas un nouveau centre, mais une île urbaine.
Texte: Daniela Meyer
Première publication: Arc Mag 2.2023
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