Données du projet
Données de base
Données du bâtiment selon SIA 416
Description
Bâtiment sculptural
Non loin du centre historique de Bienne, un bâtiment signé par le bureau 0815 Architekten bouscule les codes. Cru et accueillant à la fois, il abrite aujourd’hui deux appartements et deux ateliers d’artistes.
Le maître d’ouvrage est un couple d’artistes. Lui est peintre, elle est sculptrice et réalise des œuvres en pierre de grande envergure. Sur le terrain de leur propriété, ils se partagent un garage de 40 mètres carrés qui leur sert d’atelier. Mais le volume du garage est trop petit pour abriter les grandes sculptures. Il fallait donc le transformer. Pour trouver une solution adéquate qui répond au mieux à leur besoin, ils chargent le bureau 0815 Architekten. Une question fondamentale qui se posait au départ: fallait-il simplement transformer ou surélever l’ancien garage? Finalement, le diagnostic révéla que la structure n’était pas assez solide pour cette dernière option.
En confrontant la réalité du lieu au choix des options, les concepteurs prennent parti de détruire le garage et de construire à neuf sur une parcelle prise en sandwich entre deux terrains. En effet, sur un côté siègent des petits bâtiments typiques aux écritures distinctes. Ce patrimoine témoigne du passé industriel, certes, il est plutôt horloger, mais un ancien immeuble d’un fabricant de pianos subsiste encore au fond de la cour. De l’autre, il y a leur propre maison. En fractionnant une partie du terrain, resté à disposition après la démolition, il est devenu clair que l’espace vacant avait du potentiel. Complètement libérés, les 65 mètres carrés inspirent aux architectes une variation de projets. Toutefois, Ivo Thalman, un architecte qui a suivi l’intégralité du processus, raconte que ce n’était pas évident de s’arrêter à une seule solution. Quoi qu’il en soit, le projet s’efforce de répondre aux contraintes, tout en prenant en compte du contexte urbain environnant et donnant une continuité à la rue. Aussi certains questionnements comme la hauteur auront même stimulé et guider la conception de l’ouvrage dans le bon sens. Après plusieurs maquettes d’essais, le projet retenu arbore une tour fine et la plus haute possible, des volumes généreux, et quatre ateliers pour artistes.
Verticalité entre les rues
La partie intéressante de ce projet est aussi son implantation dans le proche périmètre. En effet, profitant d’une orientation peu favorable – rappelons que la parcelle est longiligne et étroite – les architectes optent pour inverser la séquence classique des maisons en rang dans le quartier et disposent le nouvel édifice en perpendiculaire aux deux rues. Profitant de ce positionnement particulier, les concepteurs choisissent aussi les matériaux de façade pour leur simplicité de mise en œuvre et pour leur pérennité. Cette rigueur constructive se réfère aussi en une présence imaginaire, le souvenir d’un silo implanté jadis dans le périmètre. C’est pour cette raison que la structure de la nouvelle tour est enveloppée de tôle, du Corten ondulé. De plus, cette matérialité rouille avec le temps et confère au bâtiment une tonalité orangée. Du fait de sa couleur, sa texture et sa dimension, la structure est donc vite repérable et accentue la rupture de gabarit des autres immeubles dans le quartier. Le bâtiment sculptural mesure environ 17 mètres de haut et comporte 4 étages et demi. Globalement, la «nouvelle» intervention architecturale exprime aussi la mutation en cours sur le territoire.
Des espaces à partager
Dans un souci d’économie de matériaux et d’espace, la structure est construite en ossature bois pour l’avantage que procure sa mise en œuvre. À l’intérieur d’un mur, les gaines techniques et les espaces de service sont regroupés, libérant ainsi le plancher. L’esprit du projet tient également dans la conception des volumes intérieurs et la fluidité des espaces. Si l’esprit brutaliste règne, les espaces simples et rationnels des intérieurs ont été divisés avec des panneaux trois pli pour une atmosphère plus chaleureuse. Des fenêtres coulissantes spécialement conçues ont été installées sur le côté nord. Comme une double peau, elles sont mobiles et peuvent coulisser mécaniquement grâce à des ventouses et disparaître derrière le panneau de façade. Ainsi intégrées dans la peau extérieure, elles participent au caractère abstrait de l’immeuble. En tout, quatre studios ont été construits: ils ont tous la même dimension de 60 mètres carrés chacun. Celui du rez-de-chaussée, utilisé par la sculptrice, a un double niveau. Le toit est une terrasse commune qui, en plus d’offrir une superbe vue sur la ville, offre également une salle de bain et une cuisine extérieure communautaire protégée par un auvent.
L’originalité de cette construction est d’avoir créé, en tant que communauté d’habitants, des espaces partagés par les résidents. En effet, l’immeuble adopte une volumétrie qui stimule aussi les échanges. À citer un autre exemple: l’escalier externe et métallique anti-feu qui relie tous les niveaux. Les plates-formes de l’escalier d’accès ont été délibérément agrandies. De fait, elles peuvent être utilisées comme un espace extérieur permettant la rencontre et les échanges entre les résidents. C’est donc grâce à cette surprenante diversité des propositions architecturales que les concepteurs incitent les résidents à transcender les espaces. S’il était question de créer quatre ateliers au départ, aujourd’hui deux uniquement sont voués complètement à l’art, les deux autres sont loués comme appartements.
Texte: Renzo Stroscio
Première publication: Magazine de la Documentation suisse du Bâtiment 2020–2