Gletschergarten

10 von 36

 
6002 Luzern,
Suisse

Publié le 27 décembre 2021
Miller & Maranta AG
Participation au Swiss Arc Award 2022

Situé juste à côté de la Schweizerhaus rénovée, du nouveau pavillon en grès et du Palais des Glaces, un portail aux allures futuristes invite à la découverte du nouveau monde rocheux. Le chemin en légère pente à travers le tunnel se termine par une caverne avec un «lac». Dans la Sommerau, les cubes de béton de l’escalier poussent comme des cristaux vers la lumière.

Données du projet

Données de base

Situation de l'objet
Denkmalstrasse 4, 6002 Luzern, Suisse
Catégorie de projet
Type de bâtiment
Achèvement
01.2021

Données du bâtiment selon SIA 416

Coûts de construction (BKP 2)
20,0 mio. CHF

Description

Le Gletschergarten de Lucerne présente non seulement l’histoire géologique de la région, mais retrace également l’évolution qu’a suivie l’architecture d’exposition au fil des décennies. Une nouvelle galerie rocheuse ajoute à présent une nouvelle dimension fascinante à ces deux aspects. Bien plus qu’une infrastructure, ce tunnel est une œuvre spatiale aux traits cubiques.

Le Gletschergarten a été inauguré en 1873 à Lucerne. Parti de la présence de plusieurs marmites glacières préhistoriques, il a continuellement accueilli de nouvelles attractions au cours des décennies suivantes. Depuis l’été dernier, une attraction supplémentaire enrichit ce lieu: une galerie rocheuse tant archaïque que futuriste. En tant qu’hybride entre didactique et divertissante, elle s’intègre bien dans le jardin. En effet, le Gletschergarten témoigne des miracles de la nature et des interventions de l’homme.
Situé à quelques pas de la promenade du Schweizerhofquai sur les rives du lac des Quatre-Cantons, le Jardin des Glaciers se trouve sur la face raide de la colline du Wesemlin. Pendant des siècles, il a servi de carrière pour la ville située à proximité. Juste au sud se trouve le Lion de Lucerne, monument taillé dans la paroi de grès et inauguré il y a exactement 200 ans en hommage aux gardes suisses tombés au service du roi pendant la Révolution française, lors de la prise des Tuileries à Paris.
Cinquante ans plus tard, un commerçant voulut y ouvrir un commerce de vins, mais des marmites glacières préhistoriques ont été découvertes dans le sol rocheux au cours des travaux de fondation. Elles ont été dégagées et rendues accessibles comme «Gletschergarten». Depuis, ce paysage lunaire pittoresque caché sous la falaise tombant à pic de la colline est un lieu d’excursion apprécié des classes scolaires, qui permet de s’immerger directement dans l’histoire de la géologie.
La découverte de ce paysage insolite, à proximité immédiate d’autres attractions telles que le Panorama Bourbaki, fait d’ailleurs partie du programme de visite de nombreux touristes. Afin de conserver son attractivité, le site a régulièrement été complété par d’autres attractions et diverses trouvailles. Nombre d’entre elles assouvissent la soif de savoir scientifique éveillée par les marmites glacières. D’autres servent simplement à divertir. Le légendaire «Palais des Glaces» de style mauresque, qui fait partie du second groupe, fut racheté à l’Exposition Nationale Suisse de Genève en 1896 et peut, au moins de par son nom, revendiquer un rapport aux glaciers.
Un «sentier muletier» que croise le ruisseau Wesemlinbach, qui se jette dans une suite de bassins, a été aménagé dans la pente rocheuse. L’étroit sentier comporte diverses étapes, parmi lesquelles une tour panoramique en bois, et se termine dans la Sommerau. Ce petit parc offre une belle vue sur la ville et les montages qui entourent le lac des Quatre-Cantons. Nature sauvage abîmée et rafistolée, environnement urbain créé par l’homme, culture et plaisir s’entremêlent dans le Gletschergarten depuis 150 ans de façon originale, inhabituelle et sympathique. Le nouvel univers des roches inauguré récemment a été réalisé dans cet esprit.

Extension des attractions
Créé comme entreprise familiale et géré comme tel pendant deux générations, le Gletschergarten a été transformé en fondation en 1930. En 1999, sur demande de la commission cantonale de conservation des monuments, le gouvernement du canton de Lucerne a classé divers édifices du Gletschergarten.
À la fin du siècle dernier, la fondation a commencé à réfléchir à l’avenir du Gletschergarten. L’univers des roches, achevé après trois ans de chantier et 460 dynamitages effectués avec précaution, est la partie la plus sensationnelle du renouveau et le résultat d’une longue démarche qui a exigé beaucoup de ténacité et d’idées de la part des personnes impliquées.
À l’occasion d’une visite organisée le 14 juillet 2021 – un jour avant l’inauguration officielle – avec les médias, Corinne Fischer, présidente de la fondation, a retracé les phases d’étude et de réalisation. Au-delà de la vision de présenter de manière moderne et captivante des événements de l’histoire géologique, un des enjeux était la question du financement. La fondation a défini une limite de coûts immuable de 20 millions de francs, un montant qu’elle n’était pas en mesure de réunir à elle seule. La recherche de donateurs a été un succès. Les premiers mécènes renommés ont pu convaincre les pouvoirs publics de contribuer au projet avec un «montant de base» de 16 millions de francs. «Grâce à près de 500 donatrices et donateurs, le renouveau est financé à 99 pour cent», a précisé Corinne Fischer.
Pour ne pas dépasser les coûts fixés, il a toutefois fallu «pétrir» et optimiser le projet. Bien que des compromis aient été nécessaires, la vision de faire vivre physiquement l’histoire géologique sur un nouveau sentier, initiée par le géologue Franz Schenker, a été réalisée et offre au public une découverte unique et spectaculaire.

Architecture ou non
La mise en œuvre architecturale du renouveau a été confiée il y a plus de dix ans au bureau d’architecture Miller & Maranta de Bâle. Ce concept prévoit notamment de «dégager» la maison suisse classée, l’ancienne habitation de la famille fondatrice, de divers agrandissements, et de réaliser un nouveau pavillon aux lignes épurées, en forme de pyramide tronquée, pour le palais des glaces dissimulé dans le flanc de la colline, ainsi que le soit disant pavillon en grès situé à l’extrémité nord du Gletschergarten. Ce monolithe en béton abritera à l’avenir des expositions. Les fragments de roche extraits du rocher pour la construction du tunnel ont été utilisés comme granulat.
Dans le tunnel, la découverte rappelle les romans de Jules Verne du XIXe siècle, dans lesquels les héros s’aventuraient courageusement jusqu’à des altitudes et à des profondeurs inconnues, notamment au centre de la terre. Selon l’architecte Quintus Miller, l’univers des roches est une «fusion de la nature» et de l’architecture, comme dans le temple taillé dans le grès à Pétra, en Jordanie, ou au Parc des Buttes-Chaumont à Paris, qui a également été réalisé dans une carrière désaffectée. À ses yeux, le chemin s’apparente aux cabinets de curiosités de la Renaissance.

Franchir le portail en béton pour entrer dans la pierre
L’univers des roches est accessible par un portail expressif en béton coulé sur place à côté de la maison suisse. Les blocs et les dalles obliques qui le constituent ménagent deux ouvertures rectangulaires. L’angle de 55 degrés du portique incliné correspond à la disposition des couches de grès. Leur inclinaison détermine également la forme des voûtes creusées dans la roche. Ces dernières ont été façonnées à la main, comme l’explique la présidente de la fondation, Corinne Fischer.
Le sentier qui zigzague légèrement en descente à travers ce monde souterrain divise le tunnel en plusieurs zones et crée une enfilade de chambres bien proportionnées et de différentes hauteurs, qui sont consacrées à la mise en scène de divers thèmes. Une caverne abritant un «lac» forme le point le plus bas. Le bassin alimenté par l’eau de pluie peut être animé avec un tourbillon d’eau généré artificiellement et rappelle les œuvres d’art d’Anish Kapoor.
Un ascenseur et des escaliers de forme sculpturale mènent de cette caverne au point le plus élevé du site, sur la Sommerau. À côté des escaliers se trouve un puits ouvert. Sa lumière guide les visiteurs vers l’extérieur. De nombreuses plantes pousseront prochainement sur les saillies et retraits des roches. Depuis la Sommerau, un «sentier muletier» redescend jusqu’à la maison suisse. Pour les personnes à mobilité réduite, le retour se fait via l’ascenseur.
Pour l’aménagement de cette montée, il a fallu une grande quantité de béton coulé sur place. Comme la galerie, les parois résultent de l’addition de nombreux parallélépipèdes inclinés à 55 degrés par rapport à l’horizontale. Selon Miller, le coffrage, la mise en place des armatures et la coulée parfaite du béton ont exigé un grand savoir-faire. Le résultat se présente sous la forme d’une silhouette en zigzague variée, à l’allure libre et néanmoins précise, qui surgit du sol dans la Sommerau avec un caractère cristallin qui contraste avec la granulométrie fine et l’apparence parfois crasseuse du grès. L’architecture s’inspire de la nature tout en se distinguant clairement.

Archéologie du futur
L’univers des roches, qui est bien plus qu’un chemin menant d’un endroit à un autre, intègre des éléments didactiques et divertissants avec des moyens techniques de dernière génération, mais discrets. La mise en scène créée par le Velvet Creative Office de Lucerne ne vise pas à concurrencer la nature. La lumière artificielle est utilisée de manière ponctuelle et discrète. Des animations projetées sur les parois racontent les chapitres marquants de l’histoire géologique, comme par exemple la formation des roches au fond d’un océan subtropical primitif où se trouvait la région de Lucerne à l’époque, ou le plissement des couches provoqué par la tectonique des plaques lors de la formation des Alpes. Des nuages surgissent et virevoltent sur la roche brute comme des grains de sable ou des flocons de neige et fusionnent occasionnellement pour créer des motifs végétaux, animaux et humains ayant marqué l’évolution géologique.
Un «cosmophone» intégré dans la cage d’escalier permet d’envoyer des messages dans l’univers, et des objets fossilisés du patrimoine historique ont été coulés dans les murs. Cela aide à lutter contre la pensée du «Present Shock» et illustre que notre culture humaine ne sera qu’un bref instant de l’histoire du monde et fera bientôt partie de l’archéologie du futur.

Texte: Manuel Pestalozzi

Première publication: Arc Mag 1.2022

Commandez votre exemplaire sous: batidoc.ch/services/commander-le-magazine

192066283