Complexe Résidentiel Arthron

Césure à la Cäsarstrasse

Dans le quartier Bayenthal de Cologne, près du centre-ville, l’architecte bâlois Manuel Herz a créé un complexe résidentiel qui s’adapte au caractère fortement hétérogène du quartier: chacun des 19 appartements en propriété est différent.

«Cologne Bayenthal se caractérise par un étrange manque de caractère», explique Manuel Herz, architecte bâlois et professeur de sciences urbaines à la plus ancienne université de Suisse. «Toutefois, cette expression qui a une connotation négative désigne ici plutôt un quartier en transition, un quartier qui se développe», ajoute-t ’il.
Bayenthal est un prolongement du centre-ville de Cologne, vers le sud. Dans le quartier, autrefois fortement imprégné par les petites industries, il existe une juxtaposition de constructions dites en carré, d’arrière-cours, de villas solitaires et de maisons jumelées, ainsi que de gratte-ciel d’une trentaine d’étages. Dans ses études préliminaires pour ce projet, l’architecte et urbaniste constata que le chantier se trouvait exactement à la ligne de démarcation entre les constructions dites en carré urbaines et les maisons individuelles des zones périurbaines, caractérisées par de petits jardins de devant.
Au nord de la Cäsarstrasse, qui s’étend d’est en ouest, on trouve une construction en rang d’îlot de trois étages, tandis que, située plus à l’ouest, la Bernhardstrasse qui y débouche se démarque déjà par le vert des jardins de devant. Herz a profiter de cette césure et de la diversité du quartier de la Cäsarstrasse pour en faire deux sujets centraux.

Près du trottoir – puis décalé

Le bâtiment longe le trottoir de la Caesarstrasse, s’inscrivant ainsi dans le profil de la rue. Dans la Bernhardstrasse, qui lui est perpendiculaire, on aperçoit d’abord une bordure verte, suivie d’une enveloppe de bâtiment sinueuse aux balcons en forme de loggia. Ce n’est que derrière que se trouve l’enveloppe, isolée thermiquement, du bâtiment principal. L’idée était de créer une certaine intimité au milieu de la grande ville; les jardins et les balcons de devant sont considérés comme des endroits protecteurs. Ce caractère se voit souligné par les balustrades métalliques des balcons constitués de stores verticaux. Tout comme les stores de fenêtre, leur sens de rotation
correspond à chaque unité de balcon, et ils peuvent être réglés individuellement de l’opaque au translucide.
Deux matériaux dominent le complexe résidentiel appelé «Arthron»: le béton apparent et le bois naturel des cadres de fenêtre. Alors que le gros œuvre du noyau central se compose de piliers libres, renforcés par les noyaux des cages escaliers, les éléments qui caractérisent le bâtiment sont ses balcons en saillie, à l’apparence sinueuse. Décalés, de leur embrasure gauche à celle de droite autour d’un axe spatial, ils forment ainsi une structure porteuse rigide en soi. Les balustrades des balcons, légèrement décalées les unes des autres, et la vue rarement frontale sur la façade confèrent à l’objet son côté dynamique.

Divers nids d’abeilles

Cette vue en perspective crée des diagonales spatiales qui rappellent les nids d’abeilles. Une connotation que l’architecte n’avait pas planifiée mais qui s’avère particulièrement appropriée, vu que chaque balcon ne donne accès qu’a une seule pièce. Le complexe résidentiel comprend 19 unités d’habitation, en partie très différentes, qui reflètent formellement l’hétérogénéité du quartier décrite plus haut. Il y a de petits appartements d’une pièce, des appartements de taille moyenne, avec tantôt plus, tantôt moins de pièces, ainsi que de grands lofts. De plus, l’immeuble accueille des appartements en duplex à deux étages ainsi qu’une maison de ville indépendante à deux étages dans le jardin. Cette dernière se compose d’un niveau sous-sol, éclairé par un fossé étroit, où se trouvent les chambres à coucher, et un rez-de-chaussée en forme de foyer.
Toutes les unités sont reliées au sous-sol par le parking souterrain; depuis le bâtiment principal, on peut y accéder par les deux cages d’escalier, la maison de ville dispose d’un accès direct par une porte communicante. Fait remarquant: sa teinte couleur menthe qui lui donne une note technoïde et de fraîcheur. Dans le cercle chromatique, ce ton contraste avec le rouge bordeaux chaud des escaliers encloisonnés de forme arrondie. Les surfaces de béton apparent des cages d’escalier sont de couleur argent. L’architecte a sciemment renoncé aux détails à l’aspect technoïde et privilégié les formes fluides.

Inspiré par le brutalismedes années 1960

Sur le plan formel, Manuel Herz s‘inspire du brutalisme des années 1960 et 1970. Au moment de l‘élaboration du projet, il consacrait ses recherches à l‘Université de Bâle à des constructions en Afrique du Nord de cette époque qui n‘étaient guère documentés. Il considère l‘Arthron comme une interprétation contemporaine des visions de l‘époque, qui, à son avis, inclut aussi la composante sociale: bien qu‘il s‘agisse exclusivement d’appartements en propriété, l‘architecte prône une mixité sociale des résidents – comme équivalent de la diversité du quartier Bayenthal.

Texte: Robert Mehl

première publication: Magazine de la Documentation suisse du Bâtiment 2019 - 2