Maison Individuelle, Sion

Refuge urbain

La maison individuelle qui fait l’objet de cet article présente des similitudes avec les mayens déjà transformés par le bureau Savioz Fabrizzi. Si le contexte montagnard influence l’expression architecturale protectrice de ces refuges, c’est bien l’environnement urbain, habituellement synonyme d’ouverture, qui est à l’origine du parti introverti mis en œuvre dans la présente transformation.

La Ruelle du Midi se situe au sud de la partie moyenâgeuse de Sion, au pied du château de la Basilique de Valère. Un front bâti la sépare de la Place du Midi qui marque la limite avec le réseau de rues orthogonales des quartiers édifiés au XIXème siècle. Difficile d’imaginer trouver dans ce contexte densément bâti l’espace nécessaire à la construction d’une maison individuelle agrémentée d’un jardin. C’est pourtant le cas de cette transformation conçue par Savioz Fabrizzi architectes FAS et habitée depuis l’été 2019 par les cinq membres d’une famille heureux d’habiter une maison agrémentée d’un jardin en plein centre-ville.

Un carcan inspirant
La parcelle acquise par cette famille se trouve derrière les Galeries du Midi, un grand magasin réalisé en 1964 et témoin de l’influence de l’architecture moderne dans le Valais d’après-guerre. La minéralité du lieu, caractéristique d’une cour d’ilot, est composée de façades portant les stigmates du temps et d’un sol goudronné accueillant quelques places de stationnement utilisées par les riverains d’un immeuble voisin. L’autre moitié de la parcelle est occupée par un bâtiment plus bas que tous les autres et adossé dans un angle de la cour. Une toiture ajourée en appentis suit le faîte de l’imposante façade en moellons apparents et s’appuie sur la seconde façade, beaucoup plus basse et percée par un porche. Des lettres peintes indiquent l’existence passée d’une cave viticole désormais remplacée par une maison individuelle.
La requête du maître d’ouvrage adressée aux architectes est somme toute classique: une maison avec jardin pour une famille composée de cinq personnes et la possibilité pour les trois enfants de bénéficier de chambres individuelles. La situation de la parcelle et les règles imposées par la commission patrimoniale de la ville rendaient ce mandat compliqué: la conservation du mur en moellons rendait impossible tout dépassement du volume existant. A cela s’ajoutaient la forte promiscuité liée à la situation en cœur d’ilot, ainsi que l’absence d’échappée visuelle.
La solution développée par les architectes ressemble à une réinterprétation du type du pavillon individuel urbain avec parvis d’entrée et jardin sur l’arrière: compensant une surface constructible exigüe, un travail en coupe a permis d’imbriquer l’ensemble des éléments du type en question à l’intérieur des façades existantes. Caractérisé par un jardin suspendu au premier niveau devenu piano nobile, le projet est à cheval entre l’immeuble urbain bourgeois et l’immeuble-villas (1922) de Le Corbusier.

Paysage (d’)intérieur
Contrainte de part et d’autre par son voisinage, la maison se présente comme un refuge tourné sur lui-même et organisé autour d’un jardin clôt. Une manière de mettre en scène la vie domestique sur fond de paysage intérieur. L’accès au rez-de-chaussée – on pourrait tout aussi bien parler de socle habité – se fait par l’ancien porche de la cave viticole qui dévoile un parvis couvert donnant sur une entrée en double-hauteur. Une chambre équipée d’une salle de bain occupe en partie ce niveau. Un petit patio agrémenté d’un érable s’élevant à travers une réservation faite dans la dalle de l’étage suivant apporte la lumière naturelle nécessaire. Un escalier droit mène ensuite au niveau suivant, articulé autour du jardin suspendu dont les 80 m2 sont accessibles de plain-pied. La position décentrée de ce dernier est dictée par l’ensoleillement de la parcelle. Le décaissement partiel de la dalle a permis de le planter: le gazon s’y déploie et des vignes vierges grimpent le long du mur d’enceinte.
Une façade entièrement vitrée marque la limite de l’espace intérieur qui s’articule naturellement en L autour du jardin. Adossé à l’escalier menant à l’entrée, le salon se présente comme un grand vide vertical permettant au regard d’apprécier la volumétrie et l’organisation du reste de la maison. L’espace cuisine et repas est niché sous la dalle du niveau suivant, suivi par une chambre à coucher dissimulée derrière un pan de mur en béton. Une salle de bain y est associée au niveau inférieur et profite du même système de patio lumineux rencontré dans la première chambre du rez-de-chaussée. La matérialité de l’ensemble est volontairement minimaliste; le béton apparent dévoile la fonction structurelle de certains murs alors que tout le reste est blanc: plâtre pour les murs d’enceinte et les cloisons, résine coulée pour les sols. Le rapport contrasté entre un intérieur blanc homogène et la verdure gazonnée du jardin, tous deux sertis par la vielle ville, renforce le caractère introverti d’un logement paysagé alternant perceptions lointaines et vues rapprochées.
L’escalier qui mène au dernier niveau de la maison débouche sur un mur mis en valeur par une longue ouverture en charpente. Profitant de cette source de lumière naturelle, le palier ouvert et le couloir menant aux chambres et à la petite salle de bain qui complètent le programme n’en sont que plus facilement appropriables.

Fruit de l’air du temps sédunois
Au-delà de qualités architecturales indéniables, ce projet est aussi le fruit d’une approche revisitée de la gestion patrimoniale en vieille ville. Toute volonté de transformation est développée sur la base d’un relevé effectué par les autorités qui détermine ce qui peut être détruit et transformé et ce qui ne peut être touché. C’est sur cette base que le projet est ensuite développé. Ceci réduit le risque de recours, constitue une mémoire de la ville et fait pencher la gestion patrimoniale vers un pragmatisme améliorant les conditions d’habitat. Vue sous cet angle, la transformation réalisée par Savioz Fabrizzi dans la Ruelle du Midi illustre les potentiels architecturaux de ce «New Deal».


Architecte Laurent Savioz, Savioz Fabrizzi architectes (Sion):

«L’ensemble des sols est revêtu d’une résine blanche vitrifiée qui assure une expression unitaire aux espaces intérieurs tout en démarquant fortement le bâtiment de son contexte.»

Architecte Laurent Savioz, Savioz Fabrizzi architectes (Sion) sur système de végétalisation de toiture:

«La combinaison d’une couche de 30 cm de terre et d’une isolation de toiture plate donne des résultats très satisfaisants en termes de densité de pelouse.»

Text: François Esquivié

Première publication: Magazine de la Documentation suisse du Bâtiment 2020 - 2