Transformation du Cabaret Voltaire

Lors de la restauration du Cabaret Voltaire, le bureau Raumfalter Architekten a su habilement répondre à la nature «patchwork» de l'histoire mouvementée du bâtiment. L'objectif principal était de concevoir une structure spatiale à la fois hétérogène et cohérente, capable de s'adapter avec flexibilité aux exigences variées du programme d'exploitation.

Situation initiale

Le Cabaret Voltaire, institution culturelle, occupe les locaux du sous-sol et du rez-de-chaussée d'un immeuble situé dans le quartier du Niederdorf à Zurich. La partie du bâtiment dédiée à la restauration et au théâtre présentait divers défauts structurels et administratifs, menaçant la viabilité de l'exploitation. L'enjeu principal était de rétablir et d'améliorer l'aptitude à l'usage de ces espaces culturels et commerciaux, afin d'en garantir une exploitation fluide et conforme aux réglementations pour les dix à quinze prochaines années.

Ébauche du projet

La structure du bâtiment, les installations techniques, l'équipement scénique et les espaces de restauration nécessitaient une modernisation complète. L'activité artistique réclamait davantage de flexibilité, une plus grande visibilité, et des conditions favorisant son développement. Cependant, le contexte historique du bâtiment, une maison de la vieille ville datant du 16ème siècle, ainsi que l'héritage du lieu de naissance du mouvement dadaïste, imposaient des exigences particulières.
L'idée architecturale clé a été de repositionner la cage d'escalier au cœur de la structure spatiale, qui s'étend en profondeur. Ce choix a permis de décloisonner l'ensemble, réorganisant ainsi les espaces de manière fluide et cohérente. Esthétiquement, le Cabaret Voltaire a adopté un style brut, robuste et direct, en hommage à son passé. Avant la rénovation, le bâtiment reflétait un «patchwork» de transformations successives; cet état a été respecté et intégré dans une nouvelle vision d'ensemble harmonieuse.En termes d'utilisation, des ajustements ont été effectués pour renforcer l'adressage et la visibilité du Cabaret Voltaire. Le bar des artistes a été repositionné à l'entrée principale sur la Münstergasse, tandis que la bibliothèque, déplacée à l'étage supérieur, bénéficie désormais d'un cadre plus calme et propice à la lecture.

Étude du projet

Le traitement du bâtiment classé monument historique se manifeste à travers le choix des matériaux et des finitions. L'ancien et le nouveau se mêlent harmonieusement, créant un dialogue visuel entre différents éléments. Le projet associe des pièces anciennes et de la maçonnerie brute à des surfaces en béton travaillé et brut, du grès calcaire, du bois précieux, du métal brut et du crépi à la chaux. Étant donné que peu de vestiges du mouvement Dada subsistent, le choix des couleurs a revêtu une importance particulière. Les murs et les sols ont été laissés dans leur état d'origine, tandis que tous les plafonds ont été peints en bleu indigo foncé, un clin d'œil direct à l'époque Dada. En 1916, les espaces étaient souvent peints en noir et bleu. Ce choix de teinte a également pour but de créer une unité entre des pièces aux dimensions et proportions variées.
La flexibilité fonctionnelle souhaitée a été renforcée par l'ajout d'infrastructures gastronomiques. La salle principale a été équipée d'un bar coulissant, tandis que la bibliothèque peut accueillir des événements grâce à une petite cuisine dissimulée dans une armoire refermable. Le sous-sol, aménagé dans la cave voûtée, a également bénéficié de l'approche générale d'ouverture. Désormais climatisée, sécurisée et modernisée sur le plan technique, cette zone permet de collaborer avec le Kunsthaus de Zurich et d'accueillir sa précieuse collection Dada, garantissant ainsi des conditions optimales de conservation et d'exposition.

Particularités

La pression des coûts et des délais a joué un rôle crucial dans la rénovation. Pour des raisons économiques, le Cabaret Voltaire ne pouvait se relocaliser que brièvement avec un programme de remplacement, rendant impérative une durée de travaux aussi courte que possible, malgré les risques inhérents aux rénovations. Ce défi a été relevé grâce à une planification et une exécution disciplinées et progressives.
L'une des principales missions de la remise en état consistait à corriger de nombreux défauts de construction et d'autorisation qui compromettaient la poursuite des activités. Par exemple, le problème d'humidité empêchait toute exploitation adéquate des espaces d'exposition. De plus, le système de ventilation n'était conçu que pour 60 à 70 personnes, bien en deçà des 200 visiteurs habituels. Pour y remédier, une solution sur mesure a été développée, répartissant la ventilation en trois unités dissimulées avec ingéniosité dans les aménagements. L'une d'elles, située sous le nouvel escalier, permet également la climatisation partielle de la cave voûtée. Le système de ventilation fonctionne en cascade inversée, aspirant l'air frais à travers les différents niveaux, du bas vers le haut, pour être évacué au-dessus du toit, via la cour arrière.L'amélioration énergétique du bâtiment présentait peu de possibilités, en l'absence de chauffage urbain, de pompe à chaleur ou d'enveloppe thermique supplémentaire. Dans la cave voûtée, un crépi inadéquat du point de vue de la physique du bâtiment (hermétique) a été remplacé par un crépi de restauration à base de chaux, qui régule l'humidité de manière naturelle.Enfin, les nouvelles installations sanitaires ont été pourvues de plaques de céramique fabriquées spécialement pour ce projet par la société Ganz Baukeramik AG d'Embrach.

Le projet de Raumfalter Architekten a été soumis dans le cadre du Swiss Arc Award 2024 et publié et traduit par Valentin Oppliger.