Texte: Suzanne Schwarz & Jørg Himmelreich

Photos: Thomas Aemmer

Andermatt Reuss est situé à proximité de la gare et du téléphérique qui relie le village avec la région de l’Oberalp et Sedrun. Les édifices sont signés, entre autres bureaux, Knapkiewicz Fickert, Müller Sigrist, Lando Rossmaier, SLIK et Ilg Santer. Les zurichois d’OOS se sont eux aussi vu confier la conception de trois bâtiments à la suite d’un concours remporté pour l’immeuble baptisé Frame, il y a environ dix ans de cela. Suivait un mandat direct pour l’immeuble Hoya, et un troisième pour le Val Val, un immeuble en cours de réalisation.

L’écho médiatique généré par la nouvelle partie du village d’Andermatt a été énorme au cours des premières années. Et puis cela s’est calmé. Plus de la moitié des bâtiments prévus sont aujourd’hui construits, et le moment de dresser un bilan pars pro toto semble opportun, avec un zoom sur les deux immeubles déjà réalisés par OOS, qui ont la particularité de proposer des appartements aux plans très compacts. Tous les deux démontrent par ailleurs la capacité du bureau à articuler et faire le lien entre différentes échelles, du territoire à l’aménagement intérieur en passant par l’échelle urbaine et architecturale.

Le plan directeur de la nouvelle partie du village interdite au trafic automobile est signé Denniston Architects (Kuala Lumpur) et a été légèrement précisé sur la base des projets urbains de Miller & Maranta, Miroslav Šik et Knapkiewicz & Fickert. Située devant le Radisson Blu Hotel Reussen, la Piazza Gottardo en constitue le prélude. Partant de là, quatre chemins mèneront à l’avenir entre les maisons isolées où alternent figures à angles droits et tracés polygonaux. Lorsque l’on déambule dans les ruelles agréablement étroites, l’apparente densité urbaine devient palpable. Les façades sont variées – tantôt calmes et épurées, tantôt variées à exubérantes et très détaillées. Andermatt Reuss mise sur la diversité architecturale – différents matériaux, formats de fenêtres variés, oriels marquants, embrasures de fenêtres en saillie et solutions d’angle astucieuses. Les ouvertures s’orientent vers les ruelles et les petites places, ou offrent des vues lointaines sur un panorama impressionnant composé de plaines alluviales et de montagnes. Les trois bâtiments d’OOS présentent quant à eux des façades charismatiques et singulières qui dégagent une image cohérente et une forme d’évidence.

Dans l’ensemble, le nouveau quartier est attractif, même s’il est encore un peu stérile et artificiel… ce que l’on peut généralement dire de chaque ensemble à ses débuts. Et du reste, les cafés, restaurants et boutiques animent les rues et les rez-de-chaussée, alors que le Studio Seilern, une salle de concert inaugurée en 2019, attire les visiteurs le soir.

Les appartements se vendent très bien comme en attestent les longues listes d’attente à l’achat. Ils sont utilisés par leurs heureux propriétaires ou loués en saison comme appartements de vacances.

Dès le début de la planification des immeubles Frame et Koya, l’idée était de proposer des logements compacts pour un public-cible jeune: pour des hôtes actifs qui souhaitent passer beaucoup de temps dans la nature et à la recherche d’appartements adaptés à ce style de vie.

Les appartements étalent des matériaux de haute facture; tous jouissent d’une cuisine ouverte, d’un séjour et d’une zone nuit, ainsi que de salles de bain adaptées aux personnes à mobilité réduite. Les appartements sont de taille et de formes différentes, de manière à exploiter au mieux les volumétries peu conventionnelles imposées par le plan directeur avec un nombre maximal de logements. Construire pour le tourisme alpin n’est peut-être pas durable en soi, mais en misant sur des appartements très compacts, OOS a essayé de réduire l’impact général, explique Raf Dauwe, l’un des partenaires du bureau. Raison pour laquelle le soin apporté à l’aménagement intérieur a été d’autant plus grand: «Pour les immeubles Frame et Koya, nous voulions créer des appartements dotés de grandes qualités spatiales malgré les surfaces au sol réduites». Ici, le design s’inscrit en lettres majuscules.

L’immeuble Frame et son plan en étoile ressemble à une figure en rotation composées d’oriels triangulaires. L’imposante toiture aux pans légèrement inclinés multiples ressemble à un toit en croupe – une sorte de presse-citron érodé à force d’avoir servi. Les façades ont été construites en bois et enduites à la chaux. «La lumière du jour est un thème important dans notre architecture. Nous voulions en faire entrer le plus possible dans les appartements sans qu’ils ne surchauffent. Pour éviter cela, le traitement des ouvertures dirige la lumière autant qu’il ouvre des perspectives vers l’extérieur. Cela crée un sentiment de profondeur sans que les habitant·e·s ne se sentent exposés», explique l’architecte.

Pour l’immeuble Koja aussi, la réduction des surfaces habitables était une priorité. Avec son bardage bois marquant, la façade charismatique séduit par son esthétique chaleureuse. Comme pour le cas du Frame, architecture, espaces intérieurs et ameublement ont été pensés comme une seule et même unité. Au total, 34 appartements duplex sont répartis sur trois étages, une typologie plus proche de celle du loft plutôt que de celle du chalet de montagne. Des plafonds allant jusqu’à cinq mètres de haut et de grandes fenêtres participent à la création d’une atmosphère ouverte et lumineuse, tout en facilitant la bonne exploi­tation de la hauteur de la construction. La disposition spatiale intelligente et l’organisation astucieuse des pièces sont très convaincantes: le moindre espace a été exploité pour permettre d’atteindre un très haut niveau de confort. Lui aussi innovant, l’aménagement intérieur témoigne d’influences culturelles japonaises, à l’image des portes et des armoires coulissantes, ou de la lumière tamisée et de la texture des matériaux et des meubles encastrés fonctionnels en chêne rappelant l’art de l’origami.

Comme au Frame, le rez-de-chaussée abrite des espaces communs tels que des salons, de grandes cuisines avec des espaces repas pour plusieurs personnes et un sauna – le tout avec une belle relation visuelle avec l’extérieur, les ruelles et le paysage.

La rapidité avec laquelle les appartements ont été vendus témoigne de la bonne réception auprès du public d’un concept privilégiant des appartements compacts soigneusement aménagés. On peut être critique à l’égard des grands projets touristiques dans les Alpes – comme c’est le cas à Andermatt – mais lorsqu’ils donnent naissance à des concepts spatiaux aussi savamment élaborés que le Frame et le Koya, on en souhaite davantage pour l’avenir!