Renouer avec des traditions locales
L’ «Individual Infrastructure» est à la fois un garage, un entrepôt et un atelier. Cette réalisation est située à Savigny, dans le canton de Vaud, dans une région rurale et sur le site d’une ancienne carrière. En utilisant de la molasse, le bureau d’architecture lausannois ellipsearchitecture a renoué avec les traditions locales de construction et, grâce à une façade soigneusement composée, a fait de ce petit bâtiment fonctionnel un élément d’architecture surprenant.
Texte: Jørg Himmelreich & Renzo Stroscio
Photos: Julien Heil

Photo: Julien Heil
Un produit local redécouvert
La molasse est certes une roche sédimentaire composée principalement de sable, mais sa surface, lorsqu’elle est coupée, est néanmoins soyeuse. D’où son nom, dérivé du latin «mollis», qui signifie «doux» et «tendre». La molasse s’exploite à faible frais, car peu d’énergie est nécessaire pour la briser et la couper. Sa porosité la rend toutefois vulnérable, l’eau peut en effet s’infiltrer et faire éclater les pierres en cas de gel. Les anciens bâtiments en molasse sont donc souvent très altérés. Cela lui a valu une réputation ambiguë en tant que matériau de construction. Cette pierre ne doit pas être utilisée comme soubassement afin d’éviter les remontées d’eau par capillarité. Si l’on respecte ce principe, la molasse est toutefois tout à fait utilisable et l’on peut s’attendre à ce qu’elle dure une cinquantaine d’années.

La nouvelle dépendance se situe sur la commune de Savigny dans un petit groupement de maisons principalement composé de villas et de bâtiments ruraux. | Photo: Julien Heil
Construction pragmatique
Lorsque les architectes d’ellipsearchitecture ont été chargés de remplacer un garage à Savigny, ils ont choisi la molasse comme matériau de construction. Le bâtiment établit ainsi un lien direct avec son site, puisqu’il se trouve sur les terres déjà mentionnées de l’ancienne carrière du Nialin. Pour ce projet, ils ont commandé de la molasse de la carrière de Villarlod, située près de la frontière du canton de Fribourg – à 36 kilomètres du lieu de construction. Villarlod est l’une des rares carrières encore en activité en Suisse et ses pierres sont principalement utilisées pour la restauration et l’entretien de monuments historiques.
Puisque le sol est principalement constitué de pierre, comme nous l’avons déjà mentionné, les maisons de Savigny n’ont pas de caves. Le nouveau garage devait donc également servir d’atelier et d’entrepôt aux propriétaires de la maison individuelle.

Coupe longitudinale | Plan: ellipsearchitecture
Transferts
Des blocs de molasse de 200 × 120 × et 20 centimètres ont été utilisés pour la construction de l’Individual Infrastructure – c’est ainsi que les architectes nomment le projet. Ils ont été transportés sur le chantier en deux fois, posés en deux rangées superposées et entrelacés dans une structure fine d’éléments en béton armé. Celui-ci confère de la stabilité à l’ensemble et forme des corniches qui font également office de gouttes pendantes au cas où des pluies battantes amèneraient de l’eau contre la façade. C’est plutôt inhabituel d’un point de vue constructif, mais cela s’explique quand on sait que les architectes ont également travaillé avec Roger Boltshauser pendant leurs études. Dans son studio, ils ont en effet conçu un pavillon en pisé pour le Sitterwerk à Saint-Gall en 2017, ce travail était égalament un petit concours et la proposition de Mattia Pretolani et Yannick Claessens a été retenue. Malheureusement, seul un mock-up de ce projet a été construit. Les deux jeunes architectes ont donc emporté ces techniques et connaissances et les ont intégrées dans le nouveau garage. Ils ont ainsi réussi un transfert intéressant de la construction en terre à la construction en pierre.
Pour faire entrer la lumière dans le bâtiment, des bandes de briques de verre ont été insérées entre les blocs de pierre et les poutres en bois. Ces dernières sont visibles à l’extérieur comme à l’intérieur et supportent un toit plat végétalisé. Des vélos, des skis ou d’autres équipements peuvent y être suspendus. Le bâtiment est surmonté d’une frise de panneaux solaires qui semblent comme posés sur une étagère. Peut-être sont-ils un hommage à l’entrepôt Ricola d’Herzog & de Meuron à Laufen? Ce serait une référence intéressante, car, là aussi, un entrepôt banal a été transformé en architecture, considérée depuis longtemps comme un classique.
Temple du quotidien
Ce petit bâtiment est à bien des égards un hybride singulier, fait de programmes, d’ancien et de nouveau, de techniques de construction classiques et d’idées innovantes, une créature à mi-chemin entre un hangar banal et un petit temple. Celui ou celle qui le découvre par hasard – en se promenant par exemple – peut se demander pourquoi un garage – qui est généralement traité de manière accessoire, comme une infrastructure – a été réalisé avec le soin d’une façade de palazzo. De jeunes architectes ont-ils dépassé leur objectif par ambition?

Un accès à la maison située en dessus a été intégré au nouveau volume. Implanté directement au bord de la route, le garage agit également comme «portail d’entrée» sur la parcelle. | Photo: Julien Heil
Première publication dans Arc Mag 2024–2
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