Résidence Couchirard

Là où l'on réparait et vendait des voitures, désormais, on y habite: les bureaux d'architectes O. Rochat et Atelier Arthys ont transformé le garage Couchirard, construit en 1913, en 28 unités d'habitation à Lausanne. Afin de pouvoir éclairer les appartements dans le volume de 19 mètres de profondeur, des espaces communs clairs ont été intégrés sur plusieurs étages. Il en résulte une sorte de paysage intérieur et des espaces ambivalents qui ne sont ni à l'intérieur ni à l'extérieur.

Situation initiale

Les bouleversements sociétaux ont depuis longtemps relégué la voiture au second plan, laissant le bâtiment vide et sans usage pendant de nombreuses années. Un premier projet mené par une équipe de mandataires par la suite évincée provoque des démolitions conséquentes et malheureuses. Le chantier est stoppé. A notre arrivée, il s’agit donc de redonner vie à un bâtiment décapité et amputé de sa tête Nord (dont une ravissante marquise de 1947), et de développer un nouveau projet sur les ruines de 1913 et les quelques éléments nouveaux de 2016, comme le parking construit en sous-œuvre.

Ébauche du projet

Le concept de projet part d’une image simple: densifier ce qui l’était déjà et maintenir aérien l’espace de la halle. Cet objectif nous a conduit à nous écarter du présupposé de «la boîte dans la boîte» pour la halle au bénéfice d’inserts transversaux qui occupent l’entier de trois travées et permettent d’en libérer totalement deux autres. Le nombre cinq offre un bel équilibre et l’opportunité d’ouvrir des jours latéraux pour les logements sous la toiture de la halle.

Étude du projet

Comment densifier au maximum dans un bâtiment de 18 mètres de large qui ne trouve des jours que sur une façade? Deux grands patios prennent place dans les travées libres pour permettre d’amener air et lumière aux pièces éloignées de la façade ouverte des logements des niveaux inférieurs. Ceci permet de mettre en place une typologie traversante dans ce bâtiment qui ne l’est pas. À ces niveaux, une grande densité d’utilisation est trouvée. Le dispositif mis en place offre deux espaces généreux et stratégiques dans une optique de sauvegarde du patrimoine, libres d’appropriation par les habitants. De ceux-ci, l’entier de la hauteur, de la profondeur et de la largeur de la halle restent perceptibles.

Réalisation

Si le concept de notre intervention s’appuie sur une image simple, sa concrétisation n’a été possible que par un important travail de l’ombre. Maintenir un espace ouvert aussi ample, soit une voie de fuite pour des logements, paraît impossible. De même, transformer un édifice mono-orienté en bâtiment à deux orientations en s’appuyant sur la création d’ouvertures pour des pièces habitables sur des espaces ni intérieurs, ni extérieurs est a priori une gageure. Et finalement, créer une volumétrie cohérente composée par l’alignement des nouvelles façades sur les anciennes (alors que le PGA requiert un retrait de deux mètres) a aussi été le fruit d’une recherche de solutions réglementaires. La générosité de ce projet est le résultat aussi bien d’un travail patient sur l’architecture et les questions de sauvegarde que d’un travail technique non moins conséquent. Le projet a impliqué de faire appel à une «créativité interprétative» des lois, normes et règlements en vigueur et souvent de longues négociations pour convaincre de son bien fondé. Il est l’expression d’un refus de se plier sans combattre et de capituler sans ingéniosité face à l’envahissement de la construction et de l’architecture par le système normatif exponentiel que notre époque produit... Pour que la poésie subsiste dans notre métier.

Particularités

Les décors intérieurs ont reçu une attention particulière et trois objets ont été dessinés et produits spécifiquement pour le bâtiment: placée à la base de l’articulation entre piliers et fermes, une frise constituée de divers décors peints au pochoir anime l’espace sobre de la halle. Laissés longtemps à ciel ouvert, les crépis la recevant ont fusé. Une opération de consolidation a permis de restaurer un tronçon témoin, le reste de la frise ayant été reconstitué sur la base de chablons décalqués sur les motifs d’origine. Le sol originel de la halle était constitué d’un terrazzo au motif très dense. Très endommagé, il a été remplacé par un carrelage ciment. La minéralité de celui-ci fait écho à la matérialité intérieure et renvoie à une tradition de l’époque de construction du garage. Dessinés par nos soins, les carreaux, dont la bande rectiligne contraste du fond, amènent à nouveau une forte vibration dans l’espace. Ils brouillent les pistes de lecture; la bande foncée prend le pas visuellement sur les joints, donnant l’illusion d’un sol continu. Ce motif simple soutient divers calepinages selon les situations et l’intensité visuelle cherchée. La lumière naturelle tombant des verrières en toiture anime à elle seule l’espace de la halle. Le concept d’éclairage a été confié au bureau Lumière Electrique avec pour mission de mettre en valeur sobrement la spatialité du bâtiment et d’accorder la priorité à la lumière naturelle, tant qu’elle est présente. Le luminaire de base accompagnant le visiteur dans tous ses parcours a été dessiné et produit sur mesure. La température de couleur de sa source lumineuse peut varier selon la notion du blanc dynamique: accompagnant le cycle des températures de la lumière naturelle, elle est chaude le matin et le soir et plus neutre dans journée.

Le texte a été formulé par les architectes dans le cadre de la soumission du projet pour l'Arc Award 2023.