Constance et harmonie – un reportage sur le Salone del Mobile
Plus petit, plus raffiné, plus modeste? Quiconque a attendu cela au premier «vrai» Salone del Mobile après la pandémie de Corona, du 18 au 23 avril 2023, a dû réaliser avec étonnement que les grands noms italiens ont tenu à réapparaître avec leur grandeur habituelle. Ils font savoir aux visiteurs du monde entier: «Nous n’avons jamais été absents. Nous avons juste pris une petite pause.» Cependant, il n’y a eu que quelques innovations à voir. Certaines tendances intéressantes ont pu néanmoins être identifiées.
Même «après Corona», le monde n’est pas devenu plus simple. Au contraire. Après quatre ans de pandémie et autres bouleversements mondiaux, une question se pose: ont-ils modifié le design et l’orientation des fabricants de meubles? La réponse est ambivalente: oui et non. En période d’instabilité, qui constitue plus la norme que l’exception depuis la crise financière de 2008, le besoin de constance, d’harmonie et de sécurité grandit apparemment chez la plupart des gens. Les fabricants réagissent à cela avec des univers de matières et de couleurs subtilement harmonisées, qui soulignent les couleurs naturelles d’éléments tels que le bois et les fibres naturelles qui sont aussi écologiques que possible. Pour exprimer la durabilité, ils utilisent du bois répondant à des normes environnementales, sociales et économiques strictes et, si possible, issu de forêts locales. Le souci écologique du design est souligné par un travail du bois élaboré. Le projet de recherche Metoda (metoda.eu) est un exemple qui illustre bien cette approche. Les Croates ont chargé sept agences de design innovantes de concevoir des meubles ayant un caractère fonctionnel et fort en même temps, en chêne de Slavonie. Metoda a montré les créations dans le Superstudio, qui reste un incontournable de la Design Week. Les designs sont rafraîchissants et montrent assez ouvertement qu’ils sont basés sur des classiques du design du milieu du siècle, car ils manifestent le savoir-faire artisanal et un langage de design organique que nous qualifions désormais de «moderne et intemporel».

Dans la House of Switzerland, dans la Casa degli Artisti du quartier de Brera à Milan, les étudiants de l’ECAL, entre autres, ont présenté une sélection passionnante de travaux (de diplôme) et ont ainsi initié un échange sur l’avenir du design de produits. ©courtesy Salone dei Mobile.milano
Design japonais
Le design japonais est la star célébrée depuis des années. Il allie une modernité, une philosophie et une approche qui continuent d’inspirer les designers du monde occidental: le langage minimaliste du design japonais, conçu du point de vue de l’utilisation pratique, et en même temps extrêmement esthétique, témoigne d’un grand respect de l’artisanat, du matériau et de son apparence phénoménologique. À Milan, des créations d’inspiration japonaise ont été exposées non seulement chez de nombreux fabricants occidentaux, mais surtout dans les présentations de jeunes créateurs japonais. Par exemple, la startup Quantum de Tokyo a attiré l’attention avec une série de luminaires à la fois innovants et poétiques. «Cut» consiste par exemple en un papier ultrafin, découpé de manière ornementale et qui émet de la lumière. Le projet Tatami ReFAB du collectif japonais Honoka, qui a reçu cette année le SaloneSatellite Award, a également fait sensation au SaloneSatellite (la devise de cette année était «Design, dove vai?»). À cette fin, les concepteurs ont pulvérisé des tatamis mis au rebut, les ont mélangés avec des plastiques biodégradables et ont réalisé des objets de design très fins imprimés en 3D.
À l'aise partout
Dans l’habitat, l’intérieur devient l’extérieur et vice versa. De même, il y a de plus en plus de meubles qui n’évoquent plus clairement leur place. Ainsi, d’une part, des fabricants de mobilier d’extérieur bien connus tels que Dedon, Gloster, Gandia Blasco et Roda ont présenté des collections d’extérieur adaptées aux espaces de vie. D’autre part, certaines entreprises de meubles internationales et italiennes bien connues ont présenté des meubles pour vivre dans un charmant jardin ou sur une terrasse d’hôtel, certaines d’entre elles pour la première fois. Parmi celles-ci, l’atelier de meubles viennois Wittmann qui a exposé la collection «Paradise Bird» de Luca Nichetto. Knoll est également revenu à l’un de ses classiques (1966) de Richard Schultz et a fait dessiner le canapé d’extérieur «Cedrone» par Piero Lissoni. Il a été présenté sur un stand du salon inspiré des célèbres Case Study Houses. Les façades en verre sans cadre du sol au plafond de ces icônes architecturales du modernisme d’après-guerre sont redevenues un élément central des maisons de rêve exclusives. Ces collections hybrides conviennent tout particulièrement à ce type d’architecture, où l’extérieur et l’intérieur se confondent harmonieusement. Ces designs résistent aux intempéries grâce à des structures de rembourrage innovantes et à des textiles et des cordes qui ne révèlent pas leur forte teneur en plastique. C’est également le cas de la collection «Onsen» d’inspiration japonaise de Gandia Blasco (design: Alberto Meda et David Quincoces), dont les sangles sont en similicuir et la structure portante, en tubes d’acier inoxydable. L’acier inoxydable ou thermolaqué a été également très présent à Milan pour des raisons de durabilité, à la fois dans le design des espaces extérieurs et des espaces de vie, car il est entièrement recyclable et promet une longue durée de vie.

L’acier tubulaire, les textiles hydrofuges innovants et le similicuir font que la ligne «Onsen» de Gandia Blasco convient également aux intérieurs (publics). ©courtesy Salone dei Mobile.milano
Pièces emblématiques
Bien sûr, cette année a également eu ses moments «wow». Ces designs sont spécialement créés pour les espaces où un effet emblématique est souhaité. Car malgré le changement climatique et le souci de durabilité, le design peut aussi être amusant ou faire sourire. Le label néerlandais Moooi, toujours bon pour une surprise à cet égard, a présenté cette année le «Knitty Lounge» de la créatrice Nika Zupac. La douceur imprévisible de cette «conversation piece» a causé une deuxième surprise, car, dans nos mémoires, les cordes entrelacées – ici des éléments en mousse recouverts de textile – sont dures. «Max» du label suédois Blå Station, en revanche, semble avoir été dessiné avec un crayon de rendu épais, mais il s’agit en fait d’un fauteuil que Johan Ansander a d’abord réalisé en bois massif en 2021, qui apparaît désormais plus volumineux dans la version rembourrée, tout en étant beaucoup plus léger que le modèle «Maximus» de 2021.
Modularité incontournable
Les canapés modulables ont de nouveau été très populaires cette année, non seulement pour la vie privée, mais aussi pour les exigences de l’hôtellerie et des espaces de travail. Le designer allemand Stefan Diez a conçu le canapé modulable «Costume» pour Magis. Sa rigueur formelle et sa structure sophistiquée sont convaincantes. «Costume» se compose d’un élément de base constitué de quatre matériaux seulement. Un élément en plastique glissé dans une rainure aux quatre coins crée une jonction – souvent un point faible des canapés modulaires – extrêmement solide. En même temps, si cet élément est choisi d’une couleur contrastante, c’est un beau détail. Avec l’élément de base, les accoudoirs et un pouf, le système «Costume» permet de créer d’innombrables variantes qui répondent à de nombreux besoins et espaces. L’âme de «Costume» est constituée de polyéthylène recyclé et réutilisable provenant des industries du meuble et de l’automobile. Bien que ce canapé généreusement rembourré n’en ait pas l’air, il ne nécessite qu’une fine couche de mousse et les divers matériaux peuvent être triés et recyclés individuellement.
Cet article est paru dans l'Arc Mag N°4 2023. Abonnez-vous dès maintenant pour recevoir prochainement le magazine dans votre boîte aux lettres.
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