Fusion matérielle – symphonie des contrastes au Salone del Mobile
Imaginer comment les éléments se rencontrent, s'imbriquent, se distinguent ou se fondent les uns dans les autres est le pain quotidien des designers. Même si leurs racines, leurs ambitions, leurs valeurs et leurs traditions divergent, les exposants et créateurs du Salone del Mobile avaient pour point commun de chercher à combiner différents matériaux en un tout harmonieux. La semaine du design de Milan a été l’occasion découvrir un éventail varié et complexe de réponses possibles à cet enjeu.
La créatrice textile helvético-suédoise Estelle Bourdet assemble ainsi des chutes de tissu avec une technique traditionnelle suédoise de tissage pour créer des tapis uniques. Des esquisses numériques ont servi de base aux pièces textiles dont les compositions haptiques sont ensuite réalisées par la designer elle-même sur un métier à tisser traditionnel. Les bases de la réflexion chez Porro sont à l’opposé: le designer allemand Werner Aisslinger a combiné pour le fabricant une structure métallique stable et rigide avec un rembourrage moelleux, une création baptisée «Quilt bench». Pas de tissage ici, mais un tri soigneux en fonction du toucher et des couleurs de matériaux assemblés en respect de leurs caractéristiques – quand la statique rencontre l'ergonomie. Toujours dans la perspective d'une utilisation multiple, Living Divani présentait la structure «Halfsquare». Dans ce projet, Giacomo Moor n'associe pas seulement le bois et le métal, mais va aussi au-delà de la matérialité pour combiner entre eux les éléments. Autostabes, ces derniers peuvent être disposés en quatre hauteurs différentes, en respect de leur fonction du moment.
Avec son Rude Arts Club, Faye Toogood a renoncé à se concentrer sur la multifonctionnalité pour se fixer comme objectif la fusion. Ses œuvres dialoguent avec l'architecture et le design, mais aussi l'art contemporain, la mode et l'illustration, comme en témoignent ses derniers travaux exposés sur la Piazza Santo Stefano: la série de tapis «Rude» pour cc-tapis, et la collection «Cosmic» qui rassemble du mobilier et des meubles rembourrés pour Tacchini – le tout mis en scène de manière cohérente et homogène. De l’atmosphère de pièces entières à l’objet isolé: «Volkshaus Lounge Chair», un meuble dessiné par Herzog & de Meuron pour ClassiCon, propose une combinaison plus artisanale. La construction complexe de la structure, inspirée des assemblages traditionnels en bois de l'architecture japonaise et en partie recouverte d’une cordelette tendue, confère son caractère sculptural au meuble asymétrique. Il est aussi question d’artisanat et de complexité au cœur de l’exposition de mobilier «Artisan Intelligence» de Francesca Müller, mais cette fois combinés avec l’intelligence artificielle. L’alliance du design et de l’artisanat traditionnels avec des technologies modernes a permis à la designer de créer les rideaux aux formes géométriques «Urbana» et «Biophilia», le pouf «Metalunan», le tapis touffeté main «Arco», ou encore la tapisserie «Metapolis» développée en collaboration avec Cole Brekoo de MONDiLAB. Ces approches originales débouchent sur des résultats très différents les uns des autres et ouvrent la voie à de nouvelles combinaisons.

Les objets de l’exposition «Artisan Intelligence» conçue par Francesca Müller sont nés de la combinaison entre tradition et intelligence artificielle. | Photo: Francesca Müller
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