Camponovo Baumgartner et les collages vivants

Publié le 30 juin 2023 par
Valentin Oppliger

Marianne Baumgartner et Luca Camponovo ont étudié à l’ETH Zurich. Marianne a ensuite travaillé pour le bureau 2b architectes à Lausanne, et comme collaboratrice scientifique à la chaire de Josep Lluis Mateo à l’ETH. Luca pour sa part, a travaillé pour des bureaux tels que KCAP, Burkhard Meyer et Müller Sigrist Architekten. En 2010, ils fondent ensemble camponovo baumgartner architekten. | ©Tamara Janes

Marianne Baumgartner et Luca Camponovo ont étudié à l’ETH Zurich. Marianne a ensuite travaillé pour le bureau 2b architectes à Lausanne, et comme collaboratrice scientifique à la chaire de Josep Lluis Mateo à l’ETH. Luca pour sa part, a travaillé pour des bureaux tels que KCAP, Burkhard Meyer et Müller Sigrist Architekten. En 2010, ils fondent ensemble camponovo baumgartner architekten. | ©Tamara Janes

Marianne Baumgartner et Luca Camponovo ont étudié à l’ETH Zurich. Marianne a ensuite travaillé pour le bureau 2b architectes à Lausanne, et comme collaboratrice scientifique à la chaire de Josep Lluis Mateo à l’ETH. Luca pour sa part, a travaillé pour des bureaux tels que KCAP, Burkhard Meyer et Müller Sigrist Architekten. En 2010, ils fondent ensemble camponovo baumgartner architekten. | ©Tamara Janes

La couleur peut jouer plusieurs rôles en architecture. Elle peut par exemple servir à différentier les éléments ou les matériaux, mais peut également générer des ambiances stimulantes ou appaisantes en variant les tons utilisés. Dans cet interview, Marianne Baumgartner et Luca Camponovo expliquent le but recherché de l’utilisation de la couleur dans leur réalisations.

Vous représentez souvent vos projets sous forme d’axonométrie colorées, comme par exemple pour votre nouvelle construction «Haus am Hang». Ces dessins donnent l’impression que la couleur est essentielle pour le projet. Pouvez-vous nous expliquer quel est le concept colorimétrique de cette réalisation?

Dans cette maison située à Kriens, les éléments architecturaux sont associés à différentes couleurs. Le jaune s’applique par exemple aux horizontales, qui traversent chacune des maisons. La couleur verte a été utilisée pour les éléments qui relient verticalement les différents étages. En outre, des tons pastels plus subtils s’inscrivent dans le spectre des couleurs des matériaux tels que le béton, l’argile et l’anhydrite.

À quelle étape de la conception du projet avez-vous commencé à élaborer ces éléments colorés? Était-ce une idée sous-jacente durant le processus de conception ou plutôt quelque chose qui a été ajouté en fin de projet?

Nous avons développé chaque élément pour lui-même, en partant de son matériau, de son mode de construction et des exigences. Les menuiseries qui structurent l'espace ont été conçues dès le départ comme des éléments peints de différentes couleurs. Nous sommes fascinés par les briques d'argile non cuites. Au départ, nous avions prévu de les utiliser à l'intérieur. Mais nous avons finalement décidé de transposer le vert dans la peinture des éléments en bois. La composition des couleurs et des matériaux se sont développées progressivement à travers toutes les phases du projet. Nous avons ensuite échantillonné la teinte précise sur place.

La «Haus am Hang» est une maison de trois étages construite en 2022 par Camponovo Baumgartner. À l'intérieur, un code couleur à été utilisé. Les élements horizontaux sont représentés en jaune, alors que les verticaux sont en vert. | ©Peter Tillessen

La «Haus am Hang» est une maison de trois étages construite en 2022 par Camponovo Baumgartner. À l'intérieur, un code couleur à été utilisé. Les élements horizontaux sont représentés en jaune, alors que les verticaux sont en vert. | ©Peter Tillessen

La «Haus am Hang» est une maison de trois étages construite en 2022 par Camponovo Baumgartner. À l'intérieur, un code couleur à été utilisé. Les élements horizontaux sont représentés en jaune, alors que les verticaux sont en vert. | ©Peter Tillessen

Vous êtes-vous inspirés des intérieurs des architectes provenant du mouvement De Stijl et des concepts de couleurs du début de l’ère moderne?

Ce sont assurément des références importantes pour nous. Nous examinons toujours les bâtiments de Bruno Taut en particulier, mais aussi ceux de nombreux autres architectes ou artistes. La référence n’est toutefois jamais aussi directe, il s’agit plutôt d’un bruit de fond. Nous sommes passionnés par les différents nuanciers et travaillons volontiers avec le livre «A Dictionary of Color Combinations» de Haishoku Soukan. Nous développons les couleurs à partir du projet lui-même ou pour le bâtiment en question. Elles sont toujours combinées avec des couleurs de matériaux tels que le bois, le béton, la brique, l’argile et cetera.

La couleur peut influencer considérablement l’ambiance d’une pièce, la rendre froide ou chaude, introvertie ou extravertie, calme ou vitalisante. Quel est le lien entre le programme, c’est-à-dire l’utilisation prévue, et le concept de couleurs dans vos constructions? Votre réalisation Aemtler D serait un bon exemple pour en parler.

Pour cet extension d'un complexe scolaire à Zurich, nous avons recherché des ambiances spécifiques pour les différents groupes d'âge. Les salles claires du rez-de-chaussée destinées aux jeunes enfants disposent d'aménagements de couleur bleu pastel et jaune citron. Les murs en béton poli ont reçu une coloration plus innatendue grâce aux ajouts de briques. Pour les élèves du secondaire, nous nous sommes inspirés du caractère d'étages mansardés que nous avons connus dans notre jeunesse. Ici, c'est surtout le bois de construction brut, que nous avons combiné avec du rouge et du vert vifs.

En 2021, Camponovo Baumgartner ont regroupé deux appartements à Bienne. Des cloisons non porteuses ont été retirées et complétées par de nouvelles cloisons sèches courbées qui redéfinissent différentes zones. Avec le béton apparent et le bois, les tons sont doux et chauds. | ©Karl Naraghi

En 2021, Camponovo Baumgartner ont regroupé deux appartements à Bienne. Des cloisons non porteuses ont été retirées et complétées par de nouvelles cloisons sèches courbées qui redéfinissent différentes zones. Avec le béton apparent et le bois, les tons sont doux et chauds. | ©Karl Naraghi

En 2021, Camponovo Baumgartner ont regroupé deux appartements à Bienne. Des cloisons non porteuses ont été retirées et complétées par de nouvelles cloisons sèches courbées qui redéfinissent différentes zones. Avec le béton apparent et le bois, les tons sont doux et chauds. | ©Karl Naraghi

Si je comprends bien, vous utilisez la couleur comme une manière de différentier certains éléments ou matériaux. Mais peut-elle également aider à homogénéiser un projet et le rendre plus calme?

Nous nous intéressons beaucoup à la technique du collage. Nous utilisons la couleur pour mettre en relation des éléments architecturaux: murs, plafonds, sols, éléments encastrés et ouvertures. Mais aussi pour créer des espaces aux ambiances différentes.

Dans certains de vos projets, les couleurs choisies sont plutôt pâles. Et dans certains autres, des touches très vives attirent tout de suite l’œil comme par exemple le robinet de la cuisine dans votre projet «Pour Denise» à Bienne. Comment définissez-vous quels objets sera peint en quelle couleur et pourquoi?

Les installations techniques du bâtiment nous intéressent beaucoup. En particulier lors de transformations, elles apportent quelque chose de nouveau à l’existant. En tant qu’objets, elles contrastent avec la surface plane des murs et méritent donc une attention particulière.

Un peu comme un Centre Pompidou en miniature? Dans les années 1970, il y a eu un mouvement qui a considéré les bâtiments comme des machines techniques, en mettant en évidence les conduites d’eau, d’air et autres.

C’est une comparaison ambitieuse. Oui, c’est peut-être un très petit hommage, en forme de clin d’œil à Renzo Piano, Richard Rogers et Gianfranco Franchini. Par exemple lorsque le rouge de la bouche d’incendie devant la maison se retrouve dans le robinet de la cuisine. Nous voulions ainsi rendre un peu plus visibles les fonctions élémentaires de l’habitat, comme le robinet d’où sort l’eau ou le radiateur qui chauffe l’appartement.

Achevée en 2018, l’extension de l’école Aemtler D ressemble plutôt à une villa urbaine qu’à un établissement d’enseignement. Les architectes ont ainsi tenu compte du fait que les enfants utilisent les locaux non seulement pour les cours, mais à des fins récréatives. Les surfaces des salles de classe ont été conçues pour satisfaire les besoins des différents groupes d’âge. | ©José Hevia

Achevée en 2018, l’extension de l’école Aemtler D ressemble plutôt à une villa urbaine qu’à un établissement d’enseignement. Les architectes ont ainsi tenu compte du fait que les enfants utilisent les locaux non seulement pour les cours, mais à des fins récréatives. Les surfaces des salles de classe ont été conçues pour satisfaire les besoins des différents groupes d’âge. | ©José Hevia

Achevée en 2018, l’extension de l’école Aemtler D ressemble plutôt à une villa urbaine qu’à un établissement d’enseignement. Les architectes ont ainsi tenu compte du fait que les enfants utilisent les locaux non seulement pour les cours, mais à des fins récréatives. Les surfaces des salles de classe ont été conçues pour satisfaire les besoins des différents groupes d’âge. | ©José Hevia

Travaillez-vous avec une palette de couleurs pré-définie, ou chaque projet est-il inspiré de quelque chose de différent?

Pour nous, la couleur est un matériau qui permet des impressions sensorielles à plusieurs niveaux. Pour chaque projet, nous établissons des combinaisons de couleurs en partant de zéro. Même s’il y a certainement quelques couleurs et combinaisons que nous aimons et qui reviennent sans cesse. En contrepartie, les couleurs du contexte existant ont une grande importance, tout comme la matérialité et le language architectural.

Pour finir, je voudrais m'interroger sur un contexte culturel plus large: la couleur est-elle l'expression d'une conception libérale de la société? En d'autres termes, la couleur dans l'architecture peut-elle contribuer à promouvoir la diversité sociale et l'égalité des droits?

Le choix des couleurs porte en lui une immense valeur, notamment politique. Il est difficile d'utiliser les couleurs en dehors de toute symbolique. Il suffit de penser au concept de couleurs d'Otl Aicher pour les Jeux Olym­piques de Munich en 1972. Ces codes couleur représentent un état d'esprit de la société à un moment donné. Aujourd'hui, nous associons par exemple l'arc-en-ciel à la diversité. C'est un beau symbole, reste à savoir si cela peut être appliqué à l'architecture. L'utilisation de la couleur est également liée à une pratique culturelle. Au Japon, on recherche l'ombre, l'obscurité. En Suisse, les gens sont plutôt réticents à l'égard de la couleur. Dans nos échanges avec les donneurs d'ordre, nous avons souvent constaté qu'ils hésitent à utiliser la couleur dans le secteur du logement. La couleur doit alors se réfugier dans la salle de bains ou sur la façade de la cuisine. Les surfaces des espaces de vie sont généralement finies en RAL 9010, le blanc de base. Une plus grande diversité y serait certainement passionnante, de manière à créer différentes ambiances et des contrastes.

Cet article est paru dans l'Arc Mag 2023-4. Abonnez-vous dès maintenant pour recevoir prochainement le magazine dans votre boîte aux lettres.

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